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La Confirmation dans le protestantisme

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Par le catéchisme, les Réformateurs ont voulu conduire les enfants, du baptême qu’ils avaient reçu dès leur enfance, à l’usage de la Sainte-Cène. C’est dire qu’à la Réforme, les protestants écartaient implicitement toute autre condition d’accès à la table du Seigneur. On peut donc être surpris de ce que dans les Églises Réformées et luthériennes ainsi que dans l’Anglicanisme, on fasse dépendre aujourd’hui la Cène d’un acte intermédiaire, appelé Confirmation ou dans d’autres lieux « réception des catéchumènes ».

Je ne propose pas d’étudier la genèse de la Confirmation, mais de dégager la signification d’un usage largement répandu dans les Églises réformées et luthériennes mais qui donne lieu à des interprétations fort diverses et qui, en fait, ne relève ni de principes ni de doctrines théologiques, mais plutôt d’une « pratique », une bonne marche des choses, un certain ordre dans l’Église. Les orientations fondamentales de la Réforme n’interdisent pas une telle cérémonie mais elles ne l’exigent pas non plus. C’est vous dire le « vide » dans lequel nous nous trouvons. Ce vide, la discipline de notre Église (ERF) ne le remplit pas. Nulle part, il n’est fait mention de la Confirmation. Autrement dit, il convient de voir si dans telle ou telle situation, elle convient.
3 parties dans cet exposé :
1)    La Réforme : comment a-t-on réagi par rapport à la Confirmation et dans cette partie, nous aborderons l’aspect biblique des choses.
2)    Études des liturgies de Confirmation dans les Églises anglicane, luthérienne et réformée.
3)    Enfin, quelle est la signification de la Confirmation dans le protestantisme et nous dégagerons plusieurs sens possibles.

1)    À la Réforme

Selon la perspective de la Réforme, deux sacrements seulement sont retenus : le baptême et la cène. En dehors de ces deux là, pas de sacrement. La confirmation, le mariage, l’ordination sacerdotale, la pénitence et l’extrême onction ne doivent pas être retenus comme sacrements parce que c’est la tradition de l’Église qui les a établis comme tels, hors de toute référence à l’Ecriture. En effet, les Réformateurs sont bien embêtés pour trouver des justifications à la Confirmation. Si le Nouveau Testament parle du baptême et de la Cène, il ne dit pas grand chose de la confirmation ou de quelque chose qui lui ressemblerait. J’ai relevé les textes les plus fréquents qui servent à justifier le bien fondé d’une telle pratique. Je les énumère :
•    2 Corinthiens 1,21 : « celui qui nous affermit avec vous en Christ et qui nous a donné l’onction, c’est Dieu ». Affermir, c’est le même mot que « confirmer ».
•    Éphésiens 1,13 : « après avoir entendu la parole de vérité, vous avez reçu l’évangile de votre salut… vous avez cru, vous avez été marqués du sceau du St-Esprit »
•    Enfin, 1 Jean 2, 20 et 27 parlent de l’onction que les chrétiens ont reçue.

Ces versets parlent tous d’une onction ou d’un sceau. On a voulu y voir une allusion à une cérémonie spéciale qui serait à l’origine de la Confirmation. S’il y a allusion, c’est en fait très certainement au baptême.
On cite aussi Hébreux 6,2 où l’imposition des mains correspondrait à ce que nous appelons la Confirmation. J’ajoute qu’on a voulu d’ailleurs se servir de tous les textes parlant de l’imposition des mains pour justifier la Confirmation.

Les Réformateurs :
Les Réformateurs refusent l’idée que la Confirmation confèrerait l’Esprit Saint. L’assistance de l’Esprit est promise et donnée au moment du baptême. Cela dit, on trouve chez les Réformateurs trois opinions envers la Confirmation.

Bucer

Le plus favorable, c’est le réformateur de Strasbourg Martin Bucer. C’est le moins théologien, le moins doctrinal et celui qui a le plus le souci de la piété. Mais il avait des intuitions de pédagogue et c’est pourquoi la Confirmation l’intéresse. Il n’était pas le seul.

Toute la Réforme s’est accompagnée d’un énorme travail d’instruction dont le but était de permettre au plus grand nombre d’apprendre à lire afin d’avoir accès à la Bible et aussi de connaître les éléments de la foi pour devenir capable d’en témoigner personnellement. L’effort catéchétique de toute cette période se manifeste par la publication de multiples catéchismes : ceux de Luther et de Calvin bien sûr, mais beaucoup d’autres aussi. Partout les jeunes n’étaient acceptés à la table de communion qu’après avoir suivi un temps d’instruction et avoir répondu à des questions. Bucer propose que ce cycle de formation soit sanctionné par la Confirmation où l’adolescent confirme lui-même les vœux de son baptême. C’est la Confirmation qui lui ouvre la Cène, mais elle signifie aussi son engagement dans l’Église dont il accepte les règles. Elle n’est pas un sacrement mais utile pour marquer solennellement la fin du processus de formation.  Martin Bucer

Chez les luthériens, les Ordonnances de Leinitz de 1535 parlent d’une profession de foi mais sans parler d’acte liturgique. Les écrits symboliques luthériens ne condamnent pas la Confirmation mais soulignent qu’elle n’est pas un sacrement et qu’elle n’est pas une cérémonie obligatoire. Luther la range parmi les usages ecclésiastiques. Il ne l’approuve pas mais ne la rejette pas.

Luther en fait n’y accorde pas tellement d’importance. Calvin lui consacre sept pages dans son institution chrétienne. Il souligne qu’elle n’a pas de fondement biblique et que le baptême se suffit à lui-même. Dans leur approche du baptême, Luther et Calvin veulent deux choses : revenir au plus près de l’enseignement du Nouveau testament et d’autre part, ne pas abandonner le baptême des enfants. Le catéchisme allait donc exercer auprès des baptisés  le rôle de les mener à la foi au Christ. Et puisque dans la Bible, le baptême est inséparable de la profession de foi, c’est au plein effet du premier sacrement que devait tendre le catéchuménat.  Ainsi le baptême des enfants revêt la forme d’un acte, célébré certes une fois pour toutes, et complet en lui-même, mais restant ouvert jusqu’au jour où la confession du catéchumène vient le parachever.

Luther

 

Ainsi Calvin dit dans son Institution chrétienne : « Je souhaiterais non pas qu’il y a eust une confirmation, laquelle ne peut se nommer ainsi sans faire injure au baptême, mais une instruction chrestienne, par laquelle les enfants eussent à exposer la raison de leur foi en présence de l’Église… Et que l’enfant de 10 ans environs, se présenta à l’Église pour déclarer la confession de sa foy, qu’il fut interrogé sur chaque point de la doctrine et eust à y répondre ; s’il ignorait quelque chose, qu’on l’enseignat en telle manière qu’il confesse bien et témoigne de la vraie Église et unique et pure foi en laquelle tout le peuple fidèle honore Dieu d’un commun accord ».

Les Ordonnances ecclésiastiques de Genève (1541) disposent que nul ne doit être reçu à la Table du Seigneur s’il n’a pas fait d’abord profession de sa foi, c’est-à-dire qu’il ait déclaré devant le ministre (pasteur) qu’il veut vivre selon la réformation de l’Evangile et qu’il sache son credo, l’oraison dominicale et les commandements de Dieu.

Par sa profession de foi, le catéchumène n’ajoute rien à la grâce conférée dans le baptême, il répond à cette grâce en y acquiesçant. Elle ne peut être isolée du sacrement. Enfin, elle est la conclusion de l’enseignement catéchétique. Etant accomplie plusieurs années après le baptême, elle en est distincte, mais c’est en lui seul qu’elle reçoit son sens véritable. A cette époque, on ne songe pas à l’insérer dans une cérémonie particulière pour éviter qu’elle ne prenne le sens d’un sacrement supplémentaire, intermédiaire entre le baptême et la cène.

 

2) Comment en est-on arrivé à des cultes de Confirmation ?

Il faudrait analyser chaque pays et chaque Église en particulier pour ne pas trop généraliser. Ce qu’on peut affirmer de certain, c’est que partout où l’Église enseignait la nécessité de la profession de foi, les prémisses d’un culte liturgique de Confirmation étaient posés. C’est vrai  dans le protestantisme réformé, luthérien et anglican.
Dans quelle mesure le souci d’établir un certain parallélisme avec les pratiques de l’Église catholique a-t-il précipité le mouvement ? Cette question reste à élucider.

C’est dans l’Église anglicane, la plus proche du catholicisme d’ailleurs, que dès 1548, le Prayer Book renferme un formulaire liturgique pour une cérémonie intitulée : « The ordre of confirmation ». Dans le luthéranisme,  c’est à la même époque qu’on retrouve également de manière sporadique en Hesse l’introduction de la Confirmation, mais l’usage ne s’est pas généralisé. Il faut attendre le début du 19ème siècle pour le voir adopté dans toutes les régions d’Allemagne. Or, les historiens sont d’accord pour dire que cela n’est pas dû à l’influence du catholicisme mais à l’action de Jacob Spener et ensuite à l’influence décisive du mouvement de pensée appelée en Allemagne l’Aufklärung.

Spener représente le piétisme allemand. Il a lutté contre une religion trop doctrinale et pour une piété chaude et sentimentale. Le piétisme réclamait la confirmation, parce que s’attachant à l’éveil de la foi dans le cœur, il voyait dans la confirmation, le sceau de la conversion de l’enfant, propre à entretenir ses sentiments religieux ; quant à l’humanisme, il pouvait saluer en elle, la réception solennelle du chrétien dans la société religieuse.

The « Prayer Book » de la Reine Elizabeth, 1559 auquel sont ajoutées quelques formulations occasionnelles de prière publiée dans son règne (British Museum et d’autres bibliothèques publiques avec une introduction historique).


Au même moment en Grande Bretagne : Dans le
Prayer Book, l’acte liturgique reçoit une double appellation : Confirmation. Dans la préface, il est question de la recevoir. Mais le verbe « confirmer » reçoit un complément d’objet direct et l’évêque y exerce un ministère par quoi il confirme le catéchumène ? À ce sens objectif, il faut ajouter le second titre : « Laying on of hands upon those that are baptized and come to years of discretion ».Du côté suisse et réformé, Jean-Frédéric Ostervald au 18ème  siècle, est soucieux de morale et de pratique religieuse. Il constate un relâchement dans ses domaines. Il invente par exemple la visite pastorale qui est une sorte d’inspection  religieuse. Il voit dans la Confirmation une cérémonie où les enfants prennent solennellement des engagements pour qu’ils se sentent plus tard tenus par ces promesses. La Confirmation insiste beaucoup sur les devoirs des catéchumènes. On le voit donc très bien, la Confirmation est d’abord l’engagement des catéchumènes.

L’imposition des mains n’est donc pas un geste qui accompagnerait seulement l’acte, elle est elle-même la confirmation. Nous pouvons donc en déduire que nous avons là un acte sacramentel.
Il est ensuite précisé qu’il s’agit uniquement d’une initiative de l’Église. Certes la personne du confirmand est engagée dans la grâce que confère l’Église, c’est pourquoi l’officiant interroge les catéchumènes, mais il n’attend d’eux qu’une seule réponse : «I do » (on peut trouver dans le livre de Pierre Lestringant, « Le ministère catéchétique de l’Église » un développement sur cette question p. 237).

Le formulaire accorde une place modeste à la réponse de l’enfant insistant sur la grâce de Dieu, l’esprit saint et quelque part une nouvelle efficace du baptême consécutive à l’imposition des mains. Cependant, le formulaire anglican se termine par une énumération de ce que l’Église attend du confirmand pour que la grâce de Dieu ne soit pas rendue vaine. Ils sont appelés à confirmer, de bouche et de cœur, publiquement et devant l’Église tout ce que leurs parrains et marraines ont promis naguère pour eux. En fait, il y a en relisant le Prayer Book de constants rappels au baptême.

En France, étudions, les liturgies luthériennes de 1844 : Comme les précédentes, on peut affirmer qu’il y a un double mouvement, celui qui marque l’initiative de la grâce et celui qui correspond à l’engagement du confirmand.

La grâce dispensée au catéchumène. C’est essentiellement la confirmation de l’alliance que Dieu a traitée avec lui le jour de son baptême. Elle ne doit pas être confondue avec un re-baptême, mais elle l’y enracine. Elle lui donne un caractère définitif et lui assure une entière efficace. L’officiant est le ministre de cet acte de Dieu. Le geste que fait le pasteur est une imposition des mains accompagnées des paroles : « je te confirme dans l’alliance du baptême ».
Ces paroles ont pour conséquence : l’incorporation à la société des chrétiens adultes et donc à l’admission à la cène. Il s’agit donc d’une nouvelle réception dans l’Église succédant au baptême marquée par l’incorporation à la communauté plus restreinte des chrétiens témoignant de leur foi.

Confirmation luthérienne avec aube et étole

 

 

 

 

Dans les Églises Réformées : dans les liturgies antérieures à 1963 (liturgie verte), nous avons cet usage dans la liturgie de 1931 : Formulaire de « réception des catéchumènes ». Le titre est évocateur. Ce n’est pas Confirmation. Il met en avant une idée qui ne s’exprime ni dans l’anglicanisme ni dans le luthéranisme, celui de « réception ». On ne parle pas de recevoir les chrétiens adultes (comme dans l’EELF, mais comme membre de l’ERF. Faut-il en conclure qu’ils n’en sont pas déjà membres ? Quelle serait alors l’utilité du baptême ? Faut-il entendre qu’ils furent agrégés au corps du Christ par le baptême (Église invisible) et qu’ils sont maintenant introduits dans cette Église visible et particulière qu’est l’ERF ? Difficile à dire car rien n’est explicité.

Dans l’usage courant, il est reconnu que cette cérémonie se rattache au baptême d’une manière très forte. Les paroles qui accompagnent cet acte sont parallèles à celles du baptême. Elles invoquent le Père, le Fils et le St-Esprit. Quelle grâce y est signifiée ? Nous ne savons pas trop. L’analyse du texte est lui-même délicat lorsqu’apparaît le verbe « confirmer » avec deux compléments différents. Les jeunes gens « ont manifesté le désir de confirmer publiquement le vœu de leur baptême ».  Mais, il y a aussi le pasteur qui confirme : « en vertu de la charge qui m’est conféré en tant que pasteur, je vous confirme dans l’alliance de votre baptême».

Ce qui ressort de tout cela, c’est l’insistance sur la Profession de foi. L’Église demande aux catéchumènes de s’engager devant Dieu par un acte de foi. 

3) Les significations de la Confirmation

Quels sens donner à la Confirmation. Trois réponses peuvent être données. J’emprunte au théologien réformé André Gounelle quelques remarques.

a) La Confirmation du baptême

La première voit dans la confirmation la suite et le complément du baptême, essentiellement du baptême des bébés. Quand on les baptise, les bébés sont passifs : ils reçoivent. Vient le jour où l’enfant doit donner sa réponse. C’est la confirmation.
À vrai dire, cette première explication reste assez floue car on ne sait pas très bien qui confirme.
Pour les uns, c’est Dieu qui confirme, ce qu’il confirme, c’est l’alliance du baptême. Mais deux difficultés apparaissent. D’abord pour les réformés ; le baptême est la confirmation de ce qu’annonce la prédication (il fonctionne comme le cachet qui confirme les fonctions du signataire d’une lettre). Que veut dire confirmer une confirmation ?
Ensuite, si l’on veut confirmer le baptême, cela ne signifie-t-il pas que le baptême est incomplet ? C’est à cause de cela que Calvin rejette la Confirmation car elle fait injure au baptême. Pour dire autrement les choses : le baptême serait décomposé en deux actes : le baptême initial à qui il manque quelque chose, la Confirmation  qui serait comme un morceau détaché du baptême et reporté plus tard. Qu’est-ce qui peut justifier cette séparation du baptême en deux temps ? Si on va dans ce sens, il serait plus logique de prévoir une présentation des enfants, puis un baptême d’adulte. Mais pas de confirmation.
Pour d’autres, c’est le catéchumène qui confirme et ce qu’il confirme ce sont les vœux prononcés au moment de son baptême par ses parents. La confirmation apparaît alors comme une cérémonie de ratification. Mais également deux difficultés : d’abord le baptême affirme avant tout l’amour de Dieu pour l’enfant, sa volonté de le sauver et il n’appartient pas à l’être humain de confirmer l’amour de Dieu ; il lui revient de recevoir seulement.

Ensuite, la notion de vœux n’a pas grand sens. Elle vient de l’époque où l’on consacrait d’avance des jeunes pour telle ou telle mission. Or, il ne s’agit pas de cela. Au moment du baptême on reçoit l’affirmation de l’amour de Dieu et les parents prennent l’engagement de donner une instruction religieuse ; on prie pour lui et il y a des promesses mais pas de vœux. La seule chose qu’on puisse maintenir c’est qu’au baptême il y a le vœu que l’enfant devienne chrétien. Il serait donc plus juste de parler de l’accomplissement du vœu que de sa confirmation.
Enfin, on dit que c’est par le ministère de pasteur que l’Église confirme. Mais qu’est-ce que cela veut dire ? On dit qu’elle confirme que le baptême a bien eu lieu. Mais dans ce cas la Confirmation serait plus à sa place au début de l’instruction religieuse qu’à la fin puisque le baptême invite à cette instruction. D’autres répondent qu’elle confirme l’appartenance du catéchumène à la communauté ou encore qu’elle confirme par l’enseignement qu’elle donne la foi du catéchumène. On ajoute de temps en temps que l’Église confirme et qu’elle est confirmée, c’est-à-dire renvoyée au baptême et à l’alliance qui la fonde.
Une certaine incertitude règne donc !

b) L’admission à la cène

La seconde signification que l’on donne à la Confirmation la lie beaucoup plus à la Cène qu’au baptême. La Confirmation a longtemps été considéré comme la cérémonie d’admission à la cène et précédait, en général d’un dimanche, la première communion.
Dans la tradition de la Réforme, prendre la cène implique que l’on connaisse suffisamment l’histoire de Jésus. C’est pourquoi, pendant longtemps, les réformés passaient un examen devant le pasteur et les anciens pour vérifier si le catéchumène possédait toute la connaissance.
Dans 1 Co 11, 28, Paul condamne ceux qui prennent la Cène sans s’examiner eux-mêmes et sans discerner le corps du Christ. On en a tiré la conclusion qu’on ne pouvait prendre la Cène qu’après un temps de catéchuménat. La Confirmation serait alors la cérémonie qui manifesterait que les conditions indiquées par Paul sont bien remplies et que l’on peut donc prendre « dignement » la cène. Elle confirmerait que les catéchumènes ont été bien instruits. Mais se pose un problème : dans nos Églises réformées, on invite largement à la Cène. Pourquoi établir un contrôle et une cérémonie d’admission seulement aux catéchumènes ?

c) Troisième sens : la confirmation comme passage à une foi adulte

La confirmation marque un passage du croyant de l’enfance à l’âge adulte. C’est en cela un rite d’initiation comparable à ce qui peut se trouver dans d’autres sociétés. Le Concile Vatican 2 va dans ce sens en déclarant que la confirmation a un lien intime avec l’initiation chrétienne. Cette troisième signification est fortement marquée dans le protestantisme par  le pasteur et théologien J.F. Osterwald. Au début du culte, le pasteur qui prononce la liturgie s’adresse aux catéchumènes en les appelant « enfants ». Une fois qu’ils ont pris leurs engagements, qu’ils ont reçu la bénédiction et l’imposition des mains, alors le pasteur leur dit : « je vous reçois au nombre des fidèles adultes ».  Il ne s’agit pas d’une réception dans l’Église ni à la Cène, mais de l’accession à une majorité dans le domaine de la vie spirituelle. C’est ce que nous faisons à Palaiseau en confiant ce jour-là la responsabilité de la prédication aux jeunes.
Dans cette perspective, il n’y a pas de lien entre Cène et baptême ni entre Confirmation et Cène. La Confirmation n’est pas là pour rappeler le baptême et elle n’introduit pas à la Cène.  On rejoint la position catholique qui ne fait pas dépendre la Confirmation ni du Baptême, ni de l’eucharistie. Est-ce une bonne chose ?

Conclusion :

Je résume les trois positions que l’on trouve dans le protestantisme :
1) La Confirmation est comprise comme une suite du baptême.
2) La Confirmation est l’introduction à la Cène.
3) La Confirmation n’est liée ni au Baptême, ni à la Cène mais marque le passage de l’enfance à l’âge adulte.

Bien entendu, ces trois significations peuvent se lier. Ce que fait Bucer par exemple. Dans les cultes de Confirmation, on les joint très souvent pour dire que l’on confirme le baptême du catéchumène, qu’on le reçoit à la Cène et qu’il est désormais membre responsable de l’Église, adulte dans la foi. C’est ainsi que cela fonctionne dans les paroisses. Mais de vives critiques se développent à l’égard de la Confirmation, on lui adresse deux objections :

1) D’être devenu un rite social, celui de la sortie de l’enfance et souvent aussi de la sortie de l’Église, la Confirmation étant la fin du catéchisme sous l’obligation des parents, les jeunes étant adultes et libre de continuer à fréquenter l’Église et on sait combien ils sont nombreux ceux qui prennent à ce moment leurs distances.

2) La deuxième critique souligne une certaine hypocrisie. On présente aux catéchumènes la confirmation comme leur première décision d’adulte alors qu’en fait ils ne peuvent s’y dérober sans provoquer des tensions vives au sein de la famille. Dans les années 60, ces deux critiques ont pris beaucoup d’ampleur. Le synode de l’ERF en 1968 à Royan souligne qu’il n’y a aucune obligation de prévoir une cérémonie entre le baptême et la cène. Il laisse une grande liberté aux paroisses d’organiser ou pas une Confirmation. Elle disparaît dans certaines paroisses, dans d’autres elle apparaît sous la forme d’un culte de fin de catéchisme.

Mais elle ne disparaît pas complètement et est au contraire plutôt mieux acceptée aujourd’hui comme un rite de passage de l’adolescence, le seul dans le protestantisme. Se pose néanmoins alors la question du sens :
Pour terminer, quatre orientations pour l’avenir :

1) Il faut distinguer soigneusement « baptême et confirmation ». Le baptême se reçoit, même s’il s’agit d’un baptême d’adulte. Il signifie l’acte de Dieu qui vient vers nous, qui fait grâce avant toute acceptation de notre part. Le baptême témoigne que notre foi est précédée par un acte de Dieu. Si l’on met l’accent sur l’engagement du croyant, on en masque l’essentiel.

2) Malgré des essais, on n’est jamais parvenu à définir le lien entre la confirmation, le Baptême et la Cène. Si le Baptême a besoin d’être confirmé, cela veut dire qu’il lui manque quelque chose, conclusion que refusent les Églises protestantes. De même aucune raison majeure de faire de la confirmation la condition d’accès à la Cène ne peut être admise. Il faudrait réfléchir au sens de la Confirmation. Indépendamment des sacrements.

3) L’importance des rites  pose des points de repères qui structurent l’existence. Il est clair que la confirmation joue ce rôle et que c’est bien. Que cette période de la vie des jeunes soit accompagnée d’une imposition des mains, d’une parole de bénédiction et d’une prière me paraît important. Par contre, je serais d’avis de ne pas trop insister sur les engagements trop contraignants. C’est sur la présence et l’aide de Dieu qu’il faut insister.

4) Enfin, nous sommes dans un domaine où on ne doit pas se lancer dans des querelles dogmatiques. La Confirmation relève théologiquement des adiaphora, c’est-à-dire de ce que l’on peut faire ou pas selon les circonstances dans l’Église. Nous pouvons donc la pratiquer librement ou ne pas la pratiquer en cherchant ce qui convient le mieux et en cherchant si elle rend service ou pas.

Bibliographie sommaire :
– Calvin Jean, l’Institution chrétienne,  Labor et Fides,  Genève, 1955 (surtout le tome IV)
– Lestringant Pierre, Le ministère catéchétique de l’Église,  Je sers, Paris, 1945
– Gounelle André, Rapport du synode de l’Église Réformée de France, 1982

Crédit: PointKT