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Le grand fossé ?

mongolia-831286_640Le grand fossé ? (d’après Genèse 13) Voici une saynète proposée par Frédéric Gangloff pour présenter – de manière revisitée-  la dispute entre Abraham et et son neveu Lot. Les personnages : narrateur 1 et 2, Ibram et Lothaire et deux peuples.

 

 

 

NARRATEUR 1 : Dans l’épisode précédent, à suivre sur Ze Bible en replay, le Seigneur avait dit à Ibram de quitter l’Irak pour devenir une source de bénédiction pour les autres !

NARRATEUR 2 : Tu parles ! A 75 balais, tout quitter, avec ses économies et une bonne situation. Tu comprends que sa femme Sarâle…

NARRATEUR 1 : Mais non ! Pas Sa-râle, mais Saraï(lle) !

NARRATEUR 2 : Enfin ça craint quand même, imagine tout ce joli petit monde, sans compter Lothaire, son neveu, le fils d’un frère qui vivait de l’autre côté de la grand mer !

NARRATEUR 1 : C’est pas sa grand-mère, mais sa tante !

NARRATEUR 2 : Je poursuis : Même que souvent Saraï(lle) n’était pas la seule à se moquer, Ibram le charriait souvent en lui disant : « Tu ne manques pas d’air, Lot »

NARRATEUR 1 : LOL ! Et les voilà filant vers Ca…Ca…Ca…

NARRATEUR 2 : La Californie…

NARRATEUR 1 : Mais non ! Il n’avait pas vraiment le choix ! C’est tombé sur Canaan : « le pays où coulent le lait et le miel » (dit comme un slogan publicitaire). Bon, ça c’est la pub qui le dit, parce qu’en réalité il n’y coule pas grand-chose ! A peine arrivés, comme ils crevaient de faim, ils sont repartis pour demander l’asile gastronomique en Égypte.

NARRATEUR 2 : Et Saraï a failli devenir Miss Égypte à cause d’Ibram. Ce trouillard l’avait fait passée pour sa sœur et bonjour l’incident diplomatique ! Pharaon n’aime pas être pris pour un c.. !

NARRATEUR 1 : Le premier sinistre donna aussitôt l’ordre de reconduire à la frontière en char-TER -, tous ces étrangers en situation particulière !

NARRATEUR 2 : Et rebelotte pour une nouvelle traversée du désert jusqu’à ce joli « autel », un sacré point de vue entre Béthel et Aï…

NARRATEUR 1 :  Ça tu peux le dire, ils ont en eu des courbatures : Aïe ! Aïe ! Aïe ! Et Lothaire qui traînait la patte, lui derrière et tous devant ! Mais chut ! Les voilà !

Eclats de voix assez bruyants… On dirait qu’il y a de l’eau dans le gaz… Entrent Ibram et Lothaire fâchés. Chacun se place dans le coin opposé !

Lothaire : J’en ai marre d’être en queue de peloton ! Je demande plus de considération pour ma situation. J’ai l’impression d’être oublié. D’accord, je n’ai pas ton or ni ton argent, mais je ne suis pas fauché pour autant. J’m’en sors avec mes moutons, mes chèvres, mes bœufs ! Je veux que ma voix compte ! Et puis j’ai mes propres tentes !

Ibram : Et moi je suis ton oncle ! Je comprends que tu sois tenté de t’émanciper, mais je me demande quelles sont les limites pour qu’on vive bien ensemble ? A quoi faudrait-il renoncer pour le bien de tous ? Mieux répartir les richesses et la croissance pour avoir chacun sa paix sous sa vigne et son boulot (bouleau) ? Nous avons, je crois, un sacré problème de riches !

Lothaire : Tu m’étonnes : aucune frontière ! Pas de formalité administrative. Nous sommes libres de nous installer partout !

NARRATEUR 1 : Oui mais jusqu’où cela va-t-il nous mener ? Tout droit à la démographie galopante ! Surexploitation ! Chômage !

NARRATEUR 2 : Déforestation ! Pollution ! Et tous ceux qui sont déjà sur place et qui se retrouvent à l’étroit ! Il y a les Can-européens ! Ils rêvent d’ouvrir l’espace de leur tente. Et de s’en mettre plein les poches !

NARRATEUR 1 : Les Cananéens ! Ils sont d’ailleurs assez ouverts et accueillants ! Ils n’ont aucune difficulté à intégrer tout le monde ! En même temps, ils regardent les autres un peu de haut, tous ces banquiers !

NARRATEUR 2 : Ah oui ! Il y a aussi les Patrizites…

NARRATEUR 1 : Les Périzites ! Ils sont un peu plus méfiants de nature ! Il faut d’abord les apprivoiser ! Et puis, ils sont chez eux ! Il faut vivre avec eux pour comprendre leurs peurs ! Mais trêve de politique et de triangulaire… Revenons à nos moutons !

Lothaire : La grande région ne nous suffit plus pour rester ensemble ! Nous ne sommes même plus capables de dialoguer sans nous insulter, nous engueuler, nous dénigrer ! Nous sommes devenus aussi beeêtes que nos moutons et nous suivons le premier bâton de berger qui nous mène à l’abattoir !

Ibram : Tu as raison ! Je n’ai pas le droit de prendre toutes les décisions pour toi ! Et malgré ce que l’on fait croire : tu n’es pas Donald, j’me trompe ? Et moi, je ne suis pas le pique-sous des gens euros, pardon, heureux ! Nous sommes de la même famille, bien plus que celle du sang, mais celle du lien et du bien commun ! Il vaut mieux nous séparer que de nous entredéchirer ! Là où tu iras…

Lothaire : Je n’irai pas !

Ibram : Et la direction que je prendrai…

Lothaire : Je me dirigerai vers l’opposé.

Ibram : Chouff ! tout le pays est à tes pieds ! Choisis !

NARRATEUR 1 : Et Lothaire, trop heureux de pouvoir enfin avoir son destin en main, avait bien l’intention de, cette foi, se servir le premier ! Et soudain son regard fut attiré par tout ce qui brille !

NARRATEUR 2 : Et comme l’herbe est toujours plus verte de l’autre côté de la frontière où tout est si fertile ; un véritable paradis, rien que pour lui ! Le mirage de la prospérité ! Son petit pré carré qu’il faut préserver !

NARRATEUR 1 : Et Lothaire se déplaça vers le « grand est » pour y planter son drapeau… Pardon, ses tentes !

Lothaire : J’ai décidé de m’installer dans le pays de Sodoum ; c’est la décision la plus intelligente que j’ai prise depuis fort longtemps. Alors entre moi et toi Ibram c’est un A-Dieu et pour moi c’est la vie de château ! Mon Camelot quoi !

Ibram : Et moi, je vais bientôt me faire appeler Arthur par ma ravissante femme ! Je me demande si je ne me suis pas fait avoir ! Il ne me reste plus que ce tas de pierre et de poussière comme pays promis. Mais qu’est-ce que j’ai fait au Bon-Dieu pour mériter cela ? J’étais bien chez moi en Irak, avant qu’ils ne découvrent du pétrole !

NARRATEUR 2 : Et Ibram avait du mal à se projeter dans l’avenir !

NARRATEUR 1 : Mettez-vous à sa place ! Vous visitez un appartement avec de beaux murs blancs mais pas meublé ! Vous pouvez-toujours y aller pour imaginer votre chez-vous !

NARRATEUR 2 : Tandis que Lot était aux anges dans son grand loft et la voix qui lui susurrait : « Bienvenus chez nous, on va s’occuper de vous ! Tu es le peuple ! Tu es de ces gens de rien du tout qui compte un max pour nous !

Les Patrizites : C’est Le peuple des Patrizites ! Nous sommes le peuple !

Narrateur 1 : Quand à Ibram il avait le nez trop dans son chameau et comptait ses millions, il fallait que Dieu éveille son regard vers l’horizon !

Les Caneropéens : Rejoins les forces du progrès et du grand marché !

NARRATEUR 2 : Quel bazar, avec toutes ces bêtes qui hurlent à tue-tête, il n’y a plus guère que Dieu qui relève la tête !

Ibram : J’ai beau porter mon regard, mais mon Dieu, je ne vois rien venir ! Comment de la poussière sur le sol, quelque chose pourrait-il advenir ?

NARRATEUR 1 : Ibram a-t-il déjà oublié sa témérité ? Est-il déjà tellement encroûté pour ne plus se bouger ?

NARRATEUR 2 : « Va, parcours le pays de long en large… »

NARRATEUR 1 : Ce n’est que dans la rencontre et le déplacement de soi que cela marche…

NARRATEUR 2 : Lot était dans son petit confort. Celui qui est déjà de l’ordre d’une petite mort !

Tous : Ce n’est qu’avec celui qui n’est pas prêt de s’installer que le fossé sera comblé !

Frédéric Gangloff