Point KT

Pourquoi chanter Dieu ?

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Dimanche « Cantate ». Le jour où l’on se rappelle qu’il faut chanter, chanter Dieu. Quitte à être désagréable pour certains, comme pour ces pharisiens (cf. Luc 19,37-40).

Vous voulez peut-être me demander : Mais pourquoi chanter Dieu ?
Et bien, voici une petite histoire, un conte, pour vous raconter.
Elle parle de nous qui avons oublié, elle parle de l’obscurité :

 

Au début du chant, il n’y avait pas de langage, pas de langue. Le chant était alors comme le cri d’un enfant, comme un appel que l’on n’entend pas vraiment.

Un jour, Dieu se penche vers l’être humain dans son jardin, le salua et l’humain fou de joie chante : Alléluia ! Quelle merveille d’aimer et d’être aimé, quelle joie !

Ainsi, l’humain chanta, spontanément, sans trop y réfléchir.

Malheureusement, on connaît la suite. L’humain perd son innocence et se voit nu. Son chant devient sombre.
Non, pas qu’il se tue, mais le chant de joie laisse place au choc des pioches sur la terre qui bat la mesure ; et le cri de la mère accompagne celui de la naissance de l’enfant.

Puis l’humain grandit en oubliant sa joie d’enfance, ou plutôt en ne se la rappelant que rarement.

Et puis… et puis la nuit grandit, l’humain se referme sur lui.
Il n’apprend à parler que pour réclamer.
L’humain ordonne qu’un autre accoure. L’humain travaille et un autre ricane. L’humain produit.

Oui, l’humain produit à la chaîne, mais ses chaînes vont bien au-delà de la recherche de quoi manger.
L’humain cherche à se rassasier, mais jusqu’au fin fond de son temps libre, l’ombre s’est posée.

Comme si à force de consommer, la faim allait être comblée, comme si à force de s’enivrer, nos démons allaient s’envoler, comme si s’agiter les yeux fermés allait nous faire avancer.

L’humain s’agite pour produire, il oublie de chanter.
D’où est-ce que la joie pourrait jaillir ?

Cependant, arrive soudain un humain qui choisit l’oisiveté. Il s’arrête, il regarde le sol, il voit alors ses pieds, sa chaîne qu’il a lui-même forgée.

Et il se met à pleurer.

La nuit s’est étendue. L’innocence a laissé place à l’ignorance, la liberté à la productivité, la productivité à l’absurdité.

La vie a perdu son sens, sa joie, son chant.

Alors cet humain, celui qui s’était arrêté, relève les yeux au ciel et se met à penser ; du moins pour commencer, car cette pensée ne lui laisse plus d’autre choix que de crier, crier son injustice, crier son désespoir :

« Seigneur ! Qu’as-tu oublié ?
Où est ma joie passée, où est mon bonheur dont j’avais rêvé ?
N’avais-tu pas promis ?
Ne m’avais-tu pas aimé ? »

Dieu est là. L’Amour, Lui, Il ne l’a pas oublié.
Dieu est déjà là, tout près. Il s’est tellement rapproché qu’il a tout connu de notre sort jusqu’à nos plus sombres désespoirs.
Dieu est là à nous aimer, tellement qu’Il est venu pour nous montrer l’Amour sans réserve.

Alors, face à cet humain, il tend la main et se met à parler.

L’humain, celui qui s’est arrêté, celui qui était là pensif, à déprimer de ne pas voir tous ses efforts produire ce qu’il aurait aimé, cet humain se met à entendre quelque chose.

Non pas une grosse voix qui vient d’en haut. Ni de grands éclairs pour faire vibrer ses tympans, mais d’abord comme un petit murmure qui du fond de son cœur le berce et le rassure.

Alors, l’humain se pose, s’assoit, ferme les yeux. Il écoute.
Le murmure vibre de son cœur et continue à monter.

La vibration s’amplifie comme une douce voix qui réchauffe, qui rayonne dans tout son corps pour finir par jaillir de sa gorge déployée !

L’humain se met à chanter.

Il n’a plus peur de la faim et de la soif, le désert est traversé, ses chaînes sont brisées.

L’humain ouvre les yeux. La nuit a laissé place à la lumière. Sa rancœur a disparu et il ne reste que la joie.
Il chante.

Vous qui demandiez « pourquoi chanter Dieu ? » Et bien c’est pour tout cela.
Pour cet espoir retrouvé ! Pour cet Amour échangé !
Parce qu’ainsi, je parle à Dieu et qu’il me répond.

C’est parce que l’humain n’est pas fait seulement pour travailler. Mais surtout pour chanter.

Alléluia !

Crédit : Nicolas Brulin (UEPAL) –  Photo Pixabay, Point KT