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Le premier de tous les meurtriers

Narration biblique d’après Jean 8/44 : tu ne tueras point. ‘Le premier de tous les meurtriers’ est une narration de Florence Clauss.

Benjamin est assez satisfait de lui : lors de la dernière bousculade, il a réussi, non sans peine, à se rapprocher du Nazaréen. Plus proche, il peut l’entendre distinctement. Enfin il va pouvoir se faire une opinion personnelle sur cet homme… Dans la rue, entre voisins, dans la synagogue, tout le monde parle de lui. Benjamin écoute les débats et les discussions, mais ne sait pas trop quoi en penser : fou, agitateur ou vrai fils de Dieu…Rien n’est moins clair.

Autour de Benjamin, la foule est redevenue plus calme. Benjamin écoute avec attention, regarde Jésus par-dessus les épaules de ceux qui sont devant lui.

Il n’y a pas prêté tout de suite attention. Au début, absorbé, il n’a rien remarqué. Cela fait déjà un certain temps pourtant que cela a commencé.  A sa droite un homme de petite taille, qui cache sa bouche, chuchote, commente les propos de Jésus :

– Quel blasphème, oser parler au nom de Dieu…pour qui se prend-t-il ?

Si au début, Benjamin était particulièrement attentif aux paroles du Nazaréen, il écoute désormais avec un peu plus de curiosité les propos de cet homme. A chaque fois que l’homme glisse une phrase à ses oreilles, Benjamin est frappé par la justesse de ces mots. Ses arguments sont pertinents :

-‘….il n’est qu’un homme fils de charpentier qui plus est, et il ose nous dire qu’il est la lumière du monde…’

Benjamin se ravise et veut se concentrer à nouveau sur les paroles de Jésus :

– ‘…car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils, son unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais qu’il ait la vie éternelle’.

Ils sont étranges et difficiles à interpréter ces mots de Jésus. Difficile aussi de garder les yeux sur Lui, cette bouche cachée est comme aimantée. L’homme poursuit sans relâche ses réflexions :

– ‘mensonge…vous croyez vraiment que l’on peut vivre deux fois !’

… Il n’a pas tout à fait tord, ses arguments se tiennent.

– Comme le Père possède la vie en lui-même, ainsi a-t-il donné au fils de posséder la vie en lui-même.

– ‘ quel imposteur !’

Le voisin de Benjamin poursuit mais avec plus d’énervement. Il se tourne plus rapidement vers ceux qui lui accordent de l’attention, rappelle le respect des pères, se réfère aux écritures. Benjamin est séduit par ce personnage énigmatique et cultivé.

Une phrase de Jésus vient sonner aux oreilles de Benjamin : ‘Vous avez pour père le diable et vous accomplissez les désirs de votre père’.

L’homme de petite taille a un geste de recul. Il appelle les autres à le suivre dans cette indignation :

– ‘Quelle honte, se faire insulter de la sorte !’.

– ‘ Il a été meurtrier dès le commencement. Il ne s’est jamais tenu dans la vérité parce qu’il n’y a pas de vérité en lui…’

A ces mots Benjamin est surpris par une main énergique qui saisit son poignet. Le contact est inattendu, autoritaire.

– ‘ un homme comme cela …il n’y a qu’une solution, une solution radicale à trouver…’

Autour de Benjamin, la foule s’agite de plus en plus, le ton monte : il faut le faire taire  ce Jésus…

Lorsque Benjamin relève les yeux, l’homme a presque disparu dans la foule. Certains ramassent déjà de grosses pierres… Jésus a déjà disparu.

Crédits : Florence Clauss