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La femme de l’aubergiste

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« La femme de l’aubergiste » est une narration traduite en français par Christiane Klett d’après un texte allemand écrit par Maria Herrmann. La narration peut s’illustrer à l’aide de figurines bibliques : voir Fiche d’utilisation La narration peut être utilisée dans le temps d’après Noël ou le temps de Carême… ou dans le cadre d’une fête paroissiale, modèle de feuille de culte : Fête paroissiale Sexagésime ordre culte

A la porte d’entrée de l’auberge on avait frappé. J’étais à mes casseroles ; les clients étaient affamés… Je ne savais plus où donner de la tête …La maison était pleine à craquer ; jamais ça n’a été le cas avant et jamais plus après… J’entends à nouveau frapper à la porte. « N’y va pas, Myriam ! » me lança mon mari. « Nous n’avons vraiment plus de place pour personne ! »

Il avait raison…

Nous avions étalé des matelas dans tous les coins pour la nuit, partout… car je ne savais pas dire non. Je trouvais toujours une solution. Je n’abandonnais jamais…Et maintenant, je ne pouvais pas faire autrement que de dire non… J’en étais malade.

Il me fallait pourtant, à tout prix, voir qui se trouvait devant la porte. Je courus vers l’entrée et déjà la voix pleine de colère de mon mari m’atteignait : « Myriam, c’est bien clair ! Personne ne passera plus par cette porte ! »  Je le connais. Cette fois-ci je ne pouvais pas faire autrement que de lui obéir…

Si seulement je n’étais pas allée voir ! Ma vie aurait été plus sereine par la suite.

Il y avait un jeune couple, dehors. Ceux-là pouvaient bien dormir à la belle étoile. Mais derrière eux, dans leur ombre, se tenait un voyageur qui soutenait sa femme, épuisée et à bout de forces. L’enfant qu’elle attendait, allait naître encore cette nuit-là. C’était évident … J’étais désespérée; sur le pas de la porte, je hochais les épaules et secouais la tête pour dire non. Les larmes me coulaient et je ne pouvais les essuyer… Hésitante, je refermais la porte derrière moi.

« Qu’as-tu ? » me demanda mon mari, plus tard . « Tu es si silencieuse. Je ne te connais pas du tout comme ça ! Les clients  veulent qu’on s’occupe d’eux, Myriam ! » Je me détournais. Il n’aurait de toute façon rien compris. Nous sommes tellement différents …

L’enfant est né malgré tout.

Evidemment les enfants viennent quand c’est le moment. La voisine leur avait mis son étable à disposition. Ce fut une drôle de nuit, la fois-là. Impossible de dormir ! Il y avait un remue-ménage pas possible. J’entendais marcher en pleine nuit. Le lendemain on se racontait que les bergers étaient venus pour voir l’enfant et le saluer comme le messie, comme le prince de paix pour le monde.

Et moi, je l’avais renvoyé ! La paix, j’en aurais eu bien besoin. Pour sûr, certains m’envient. Ils pensent qu’une femme d’affaires a la vie facile. Elle gagne beaucoup d’argent. Ah oui, l’argent ! Je donnerais tout mon argent pour cette paix que cet enfant doit apporter…

Depuis cette fameuse nuit, je me suis  souvent prise du temps pour les clients dans l’espoir de rencontrer une fois encore cet enfant. Mais il ne viendra plus chez moi. Je l’ai renvoyé jadis, avant même sa naissance. Il ne viendra pas chez moi, s’il devait encore une fois revenir à Bethléem.

S’il était né dans ma maison, là oui… Ces gens sont d’ailleurs repartis très vite, la fois-là. C’est curieux, comme ils étaient pressés… Le petit venait pourtant juste de naître !… Vit-il encore ?Il me faut penser à beaucoup de choses et j’en oublie plus d’une. Mais cette nuit-là, je ne l’oublierai jamais Elle ne me sort pas de la tête !…

Les années ont passé depuis et je vieillis de plus en plus. J’apprends à reconnaître mes limites, les limites de l’âge.A présent, ce n’est plus mon mari qui me freine. Toujours à nouveau, il arrive des moments où je dois me dire à moi ou à d’autres : « J’aimerais bien, mais je ne peux pas ».

30 années et plus se sont passées depuis cette fameuse nuit…

A Jérusalem, on se prépare pour la fête de la Pâque. Cela fait marcher nos affaires. J’aimerais bien me joindre à la foule et aller avec tous ces gens à Jérusalem. Mais je ne peux me le permettre. Qui ferait le travail à ma place ? Dans peu de jours et ce sera la fête là-bas…

Est-ce qu’on n’a pas frappé à la porte ? Celle-ci s’ouvre. Un jeune homme entre, il a la trentaine ou un peu plus. Il me regarde. Je le regarde à mon tour avec de grands yeux étonnés. Ma bouche, avant même que je réalise ce que je fais, dit : « Es-tu le roi des Juifs, le prince de paix ? » « Oui, je le suis » me dit-il. « C’est ici que je suis né ». « Oui, maître ! » lui répondis-je hésitante et triste et toujours pleine d’étonnement. « Oui, mais pas chez moi ! Pas dans ma maison. L’auberge était pleine à craquer. Je n’avais plus de place pour toi, vraiment plus, il faut me le croire ! » Et de nouveau mes larmes se mettent à couler…

« Je sais » me dit-il, « je sais ». C’est bien la raison pour laquelle je suis venu. Je sais que cela t’a fait souffrir jusqu’à aujourd’hui. Tu aimerais tant et tu ne peux pas. Toujours à nouveau. Crois-tu que je ne sais pas ce que c’est ? » Il s’approche et parle avec une voix douce : » J’aimerais tant encore vivre avec les humains et pour eux – avec toi et pour toi et pour tous ceux qui m’attendent. Ce ne sera pas possible. La mort m’attend. Mon temps est révolu. Le compte à rebours a commencé. La croix m’attend déjà à Jérusalem.

Ici, je suis né ; pas dans ta maison, certes, pas chez toi. Mais je suis né pour toi et pour tous les humains qui sont accablés et qui souffrent. Une vie durant tu as désiré me rencontrer. J’étais toujours là. Tu as vécu dans le stress et la mésentente et cela t’attristait. Et pourtant j’ai toujours été ta paix. Je ne suis pas né chez toi, mais pour toi et en toi, et je vais aller donner ma vie pour toi. Tu as la paix en moi ! »

Puis il s’en alla dans la nuit aussi discrètement qu’il était venu. Je suis là et je pleure ; ça m’a fait du bien. Une grande sérénité descend sur moi…

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Traduction en français par Christiane Klett  (Formatrice Afibidu texte allemand écrit par Maria Herrmann.