1

La bougie de mon baptême

J’ai un an et je commence à marcher !

Aujourd’hui, j’ai l’impression que c’est une journée spéciale. Maman m’a mis une nouvelle robe. Elle est blanche et très jolie. Il y a plein d’agitation à la maison ce matin ! Papa et maman ont préparé plein de choses. Et puis on est allés à l’église. Là il y a papi, mamie, ma tata et mes cousins, mon parrain et ma marraine. Il y a aussi cette dame avec sa grande robe noire et les deux trucs blancs autour de son cou. Et puis plein d’autres gens que je ne connais pas. La musique commence. J’aimerai me promener, jouer sous les bancs et regarder s’il y a d’autres enfants. Mais je suis sur Maman. Elle me fait un peu sauter sur ses genoux et chantonne dans mon oreille pour que je reste calme. Elle a l’air contente d’être là. Et papa alors, il a l’air tellement fier de moi ! On s’est levés et on est allés devant. Je peux voir tous les gens qui sont là. Ils me regardent tous. La dame a mis de l’eau sur ma tête. Comme pour me laver. Je ne sais pas si j’ai aimé. Et puis elle a mis de la lumière sur un objet blanc. J’ai déjà vu des trucs comme ça. C’est… une bougie ! Elle l’a allumée et me l’a montrée. C’est très joli. J’aimerai bien l’attraper ! Mais elle ne me l’a pas donnée. C’est bizarre, j’avais l’impression que c’était pour moi pourtant. C’est mon parrain qui a réussi à l’avoir. J’espère qu’il me laissera jouer avec tout à l’heure. La dame m’a prise dans ses bras et on est allés voir tous les gens qui sont là. Ils ont l’air contents de me voir. Comme si j’étais quelqu’un de très spécial. Comme si c’était ma fête ! Après on est rentrés à la maison et là c’était vraiment la fête ! On a bien mangé, on s’est amusés et j’ai même reçu des cadeaux. Quand tout le monde est parti, Papa a pris la bougie. Il l’a posée sur l’étagère et il m’a dit : c’est ta bougie ! La bougie de ton baptême. Pour que tu te souviennes combien le Seigneur t’aime.

J’ai 14 ans et aujourd’hui c’est ma confirmation !

On est à table et je suis assise entre mon parrain et ma marraine. Je suis contente qu’ils soient là. On ne se voit pas souvent. La table est joliment décorée et devant moi, il y a la bougie de mon baptême. On l’a allumée et on va bientôt manger un délicieux repas, mon préféré. Je suis heureuse et enfin détendue. Vous m’auriez vue avant le culte, j’étais tellement stressée ! Mes copines étaient dans le même état que moi. On a fait des photos pour s’amuser et penser à autre chose. C’est pas tous les jours qu’on s’habille comme ça ! Et puis le culte a commencé. J’ai réussi à dire mon texte sans bafouiller et on a même chanté. Je voyais ma famille dans les bancs. Mes parents et surtout ma mamie. Elle avait l’air tellement heureuse ! C’est un peu pour elle que je fais tout ça. Je sais que pour elle c’est vraiment important. Ma petite mamie chérie . Après les deux années de catéchisme, le pasteur nous a demandé si on voulait faire notre confirmation. Je ne me voyais pas dire non ! Je n’aurai pas pensé dire ça mais finalement j’ai aimé venir au KT. Bon je n’aime pas me lever le matin, c’est sûr. Mais il y avait une bonne ambiance. Et puis en gros, le message qu’ils essayaient de nous faire passer, c’est que Dieu nous aime. Mais genre vraiment beaucoup ! Je ne suis pas sûre d’avoir toujours tout compris. Mais j’aime bien cette idée que Dieu ne nous lâchera jamais.  Et puis on a rencontré plein de gens intéressants. Des gens qui font du bien aux autres, qui les aident, qui s’engagent. Des gens qui croient que c’est possible qu’on soit tous heureux, si on s’y met tous. J’aime bien cette idée aussi. Je ne sais pas encore comment mais moi aussi, j’aimerai faire du bien aux autres dans ma vie.  Après le dessert, Maman a sorti l’album photo. On a regardé les photos de mon baptême. Avec mon parrain et ma marraine, on a bien rigolé de voir comment on a changé ! Bon moi j’ai grandi bien sûr. Et eux ils ont vieilli. Sur une photo, on voit mon parrain avec ma bougie de baptême. Tiens ma bougie, elle est restée allumée pendant tout le repas. Il lui manque quelques centimètres maintenant. Il est temps de la souffler et de la ranger. C’est la fin de cette belle journée.

J’ai 44 ans et je suis en train de déménager.

C’est vraiment une mauvaise période pour moi. Peut-être la pire de toute ma vie. Si on m’avait dit que ça se finirait comme ça, qu’il me faudrait traverser tout ça, je ne l’aurai pas cru. Ça n’arrive qu’aux autres ce genre de choses non ? Je fais mes cartons. Je fais le tri. Je garde. J’emballe. Je jette. Je garde ça ? Non. Je m’en débarrasse aussi. Pas le choix. Là où je vais, c’est tellement petit ! Je n’ai pas envie. Et en même temps, j’aimerai avoir fini. Je suis si fatiguée. Tiens, mais qu’est-ce que… c’est quoi ce truc ? Emballé dans un journal d’il y a 30 ans ? C’est vrai qu’on lisait encore le journal sur du papier en ce temps-là. Je le déroule. C’est… la bougie de mon baptême ! Elle est cassée en deux morceaux. Un peu comme moi. Mais la mèche est intacte. Les deux morceaux de cire sont toujours reliés par cette petite ficelle. Et voilà que plein de souvenirs reviennent à ma mémoire. Les prières avec ma grand-mère, les chansons du catéchisme et même quelques versets. Et puis cette idée que Dieu ne nous lâchera jamais. Comme un fil que rien ne peut jamais casser. Je suis émue. De ma poche, je sors mon briquet. Je fais fondre un peu la cire là où la bougie s’est cassée pour la ressouder. Je m’étonne que ce soit si facile à réparer. Et puis je l’allume. Je m’assied à côté d’elle, par terre, au milieu de ma vie à moitié empaquetée. Et c’est comme si le temps s’était arrêté. Je ne sais pas trop ce qu’il s’est passé. Mais c’est certainement ça qu’on appelle prier. Oh je n’ai rien dit, rien demandé. Mais je me suis sentie tellement apaisée ! J’ai ressenti Sa présence. Moi je l’avais un peu oublié au milieu de tous mes soucis. Mais lui, il ne m’a jamais abandonné. Bon, j’ai pleuré aussi. Beaucoup. Mais j’ai ressenti tant de douceur et tellement d’amour. Ça a duré longtemps. Le soleil a même fini par aller se coucher. Mais moi je me suis relevée. Ce jour-là je me suis souvenue que j’étais baptisée. Je me suis souvenue que Dieu m’avait toujours aimée, que je suis précieuse pour lui. Je me suis souvenue que son plan pour moi, c’est le bonheur et la paix. Ce jour-là, j’ai réalisé que malgré tout, ma vie vaut la peine d’être vécue. Ce jour-là, j’ai renoncé à la vengeance, à la colère, à l’amertume, à la honte et même à la nostalgie. Ce jour-là j’ai décidé de vivre ! Alors j’ai soufflé ma bougie. J’ai allumé la lumière et j’ai terminé mes cartons. Quand la cire a refroidi, j’ai emballé aussi ma bougie et je suis partie. J’ai choisi la vie.

J’ai 77 ans et je ne sors plus de mon lit.

Les traitements ne sont plus efficaces contre ma maladie. On a décidé ensemble de ne pas s’acharner. Certains trouvent peut-être que c’est trop tôt pour mourir. Mais avec la vie que j’ai eue, je suis reconnaissance d’être arrivée jusque-là. Mes enfants sont grands. Ils savent que je les aime. Ils sont eux-mêmes parents. J’ai eu le bonheur de connaitre mes petits-enfants.  Je suis malade mais bien entourée. Il y a toujours quelqu’un avec moi. Ils ne me laissent jamais seuls. Oh je leur ai bien dit que ce n’était pas nécessaire d’en faire autant. Mais ils s’inquiètent pour moi. Moi je ne suis pas inquiète. Je suis triste bien sûr. Il y a tant de choses que j’aurai aimé faire encore. Et si seulement je pouvais épargner à mes enfants la peine qu’ils auront quand il faudra préparer mon enterrement. Je suis triste oui. Mais je n’ai pas peur. Pourquoi aurai-je peur ? Je suis baptisée ! Depuis que je suis toute petite, le Seigneur m’a prise sur son cœur. Je suis son enfant ! Aujourd’hui, alors que je suis si faible, je ressens son amour si fortement. Il n’a jamais lâché ma main. Même quand je ne le savais pas. Même quand je ne le croyais pas. Et là, je sais qu’il m’attend, les bras ouverts. Quand ce sera le moment, il me prendra encore plus près de son cœur. Ma chérie ? Tu es là ? Tu peux monter dans ma chambre s’il te plait ? Dans ma table de nuit, tu trouveras une vieille bougie. Tu peux me la descendre ? Oui c’est bien celle-là. Elle est toute raplapla. C’est la bougie de mon baptême. Elle me semblait si grande quand j’étais enfant. Il n’en reste pas deux centimètres maintenant. Non, tu as raison, ça ne se fait plus trop de nos jours. Est-ce que tu peux l’allumer pour moi ? Merci. Voilà. La bougie de mon baptême, pour que je me souvienne combien le Seigneur m’aime disait mon papa.  Voilà. Seigneur tu as toujours été là. Maintenant c’est moi qui viens à toi.

Crédit : Sophie Letsch (UEPAL) – Point KT – photos Pixabay