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Jésus prie avant de mourir

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La prière de Jésus avant son arrestation, Marc 14.32 à 41. Ce soir, après le repas, Jésus va dans le jardin de Gethsémané pour prier. Funeste erreur. Judas connaît l’endroit et va s’y rendre également avec une troupe. Jésus vit ses derniers instants de liberté et … il a peur. . Selon les évangiles de Matthieu, Marc et Luc, Jésus est allé prier dans le jardin de Gethsémané. La troupe emmenée par Juda le trouvera là et l’arrêtera. L’évangéliste Jean confirme sans rapporter cependant les paroles formulées par Jésus à ce moment dramatique. Seuls les trois premiers évangélistes détaillent cet épisode. Nous utiliserons comme fil conducteur le récit de Marc.

1. Le récit de Marc en trois espaces et à trois temps

Le récit tout entier est fortement stylisé. Le découpage en trois espaces et trois temps le montre. Jésus vit ses derniers instants de liberté. Juste avant ce récit il se sépare petit à petit de la foule (Marc 14.1 à 17). Jésus n’est plus qu’avec les douze (Marc 14.17). Le processus de séparation se poursuit ensuite car Jésus annonce la trahison de Juda et le reniement de Pierre (Marc 14.17 à 31). Enfin dans notre récit il s’achève : en trois aller/retour, Marc montre la solitude de Jésus.

Premier aller/retour et définition des trois lieux :
Jésus et le groupe des douze,
plus loin Jésus et les trois intimes,
encore plus loin, Jésus seul avec Dieu.

Situation de départ : « Jésus et les douze », le grand groupe

Ensuite ils vont à un endroit appelé Gethsémané. Jésus dit à ses disciples : « {yootooltip title=[Asseyez-vous ici]}L´expression marque bien la séparation entre la plupart des douze et jésus{/yootooltip} pendant que je vais prier. » Il emmène avec lui Pierre, Jacques et Jean. Il commence à être inquiet et très effrayé,  et il leur dit : « Mon cœur est triste à en mourir. Restez ici, ne dormez pas.

Situation d’arrivée : « Jésus et les trois » : Pierre, Jacques et Jean constituent, chez Marc, un groupe de disciples particulièrement proches de Jésus. L’évangéliste mentionne ce groupe à chaque fois qu’il veut souligner un moment important de la vie de Jésus.
Marc 5.37 : Jésus va guérir la fille du chef de la synagogue et demande aux quelques témoins de ne rien dire à personne (Marc 5.43). Ici les trois ne sont pas tout à fait seuls avec Jésus.
Marc 9.2 : Jésus prend avec lui les trois disciples et va sur une haute montagne, loin des gens. Là, ils sont seuls avec lui. Suit le récit de la transfiguration de Jésus. Ici ils entourent Jésus, et discutent avec lui.
Un autre épisode montre l’importance des trois disciples au  chapitre 13. Mais ici Jean est également avec eux. Jésus explique aux quatre les souffrances à venir et le retour du Fils de l’Homme.

Situation de départ : « Jésus et les trois »

Il va un peu plus loin. Il se jette à terre et il demande à Dieu d’éloigner ce moment de souffrance, si c’est possible ! Pour la première fois Marc livre le contenu d’une prière de Jésus. Mot araméen : Signifie Père dans la langue de Jésus. Marc n’utilise ce mot qu’ici et ajoute sa traduction en Grec. Les lecteurs de Marc ne comprennent pas l’araméen. Marc garde l’expression en araméen, signe du respect avec lequel sa communauté sauvegarde le souvenir de la manière dont Jésus s’adressait à Dieu, Père, pour toi tout est possible. Éloigne de moi cette coupe de souffrance « Jésus est pleinement « homme », car, comme tout homme, il cherche à éviter la mort. Contraste : c’est la première fois, selon Marc, qu’il appelle Dieu « Père ». Pourtant, ne fais pas ce que je veux, mais ce que tu veux. »

Situation d’arrivée : « Jésus seul »

Second aller/retour

Jésus revient vers les trois disciples et les trouve endormis.Il dit à Pierre Marc ne rapportera plus ce que prie Jésus (il dit simplement qu’il fait la même prière) mais détaille davantage les reproches qu’il fait à ses disciples.{/yootooltip} : « Simon, tu dors ? Tu n’as pas eu la force de rester éveillé, même pendant une heure ? Restez éveillés et priez pour pouvoir résister quand l’esprit du mal vous  tentera. Vous désirez faire le bien, mais vous n’avez pas la force de résister au mal.» Jésus s’éloigne encore et il fait la même prière. Il revient vers les trois disciples et il les trouve endormis. lls ne peuvent garder leurs yeux ouverts. Le sommeil des disciples: Il semble insurmontable et fait écho à la mort de Jésus qu’il aimerait surmonter mais qui est, elle aussi, insurmontable et ils ne savent pas quoi lui dire.

Troisième aller retour

Une troisième fois, Jésus s’éloigne et il revient. Il dit à ses disciples : « Vous dormez encore et vous vous reposez ? C’est fini ! C’est le moment ! Le Fils de l’homme va être livré aux mains des pécheurs ! Levez-vous, allons ! Voyez, l’homme qui me livre est arrivé ! »

L’évangéliste montre clairement le processus qui amène à la solitude de Jésus dans la mort. Il dépeint Jésus comme étant pleinement humain puisqu’il est angoissé par sa fin comme le serait n’importe quel être humain à sa place. Il choisit cependant cet instant pour montrer à quel point Jésus est proche de Dieu, car Jésus appelle Dieu « Père » pour la première fois dans le récit de l’évangéliste.

Le récit est traversé par une autre dualité : celle qui se trouve en tout être humain. « Vous désirez faire le bien mais vous n’avez pas la force de résister au mal », s’écrie Jésus. L’évangéliste est sans doute influencé par des milieux juifs de l’époque, peut être esséniens. Selon ce courant de pensée Dieu a mis en l’homme un esprit orienté vers le bien mais il est en même temps soumis au pouvoir du mal. Il est dans sa totalité écartelé entre ces deux puissances. Il ne s’agit pas d’une séparation en deux parties, corps opposé à esprit, comme dans la pensée grecque.

 2. Les récits de Matthieu et Luc

L’évangéliste Matthieu reprend les trois points forts de Marc :
– Jésus se retrouve de plus en plus isolé au fur et à mesure qu’il avance vers sa mort ;
– Jésus, alors qu’il appelle Dieu « Mon Père », est angoissé par l’épreuve à venir comme le serait tout être humain ;
– Jésus reprend le discours de certains cercles du judaïsme de son temps : « Vous désirez faire le bien, mais vous n’avez pas la force de résister au mal. »

Matthieu cependant donne plus de détails sur le texte de la prière prononcé par Jésus. Selon Matthieu et contrairement à Marc, la seconde prière diffère de la première puisque Jésus y exprime avant tout son obéissance à la volonté de Dieu. Comme Marc, avec le jeu des trois espaces et des trois temps, Matthieu met en scène l’isolement progressif de Jésus dans la souffrance. Il ajoute une dimension supplémentaire : l’obéissance de Jésus à la volonté de son Père. De ce fait la fin dramatique de Jésus est lié à l’accomplissement de sa mission bien davantage qu’elle ne découle du destin tragique d’un humain aux prises avec des forces hostiles qui le dépassent.

Luc ne dramatise pas son récit de la même manière que Marc et Matthieu. Luc centre sont récit sur la souffrance et l’angoisse de Jésus et surtout sur l’aide qu’il reçoit du ciel sous la forme d’un ange. L’épisode rappelle le découragement du prophète Elie réconforté par un ange (1 Roi 19.4 à 8). Le récit est entouré par les deux exhortations à prier pour ne pas tomber dans la tentation (versets 40 et 46).
Le plan est clair :
Exhortation à ne pas tomber dans la tentation.
Expression de l’angoisse de Jésus par le recours à des paroles au style direct.
Aide de l’ange.
Expression de l’angoisse de Jésus par le descriptif de son attitude.
Exhortation à ne pas tomber dans la tentation.

Luc veut exhorter ses lecteurs à la vigilance tout en annonçant « l’aide du ciel » dans les moments difficiles. Il met moins en valeur la solitude de Jésus. Il excuse les disciples en écrivant qu’ils dorment  « de tristesse», ce qui atténue également l’effet de solitude de Jésus.

Crédit : Claude Demissy, UEPAL Union des Eglises protestantes d’Alsace et de Lorraine, 2006