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Deux récits merveilleux

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Ballade au clair de lune, Marc 6.45 à 54  L’un des récits merveilleux les plus connu de la Bible est sans doute celui où Jésus marche sur les eaux. Voici une analyse essentiellement littéraire de cette histoire telle que l’a rapportée l’évangéliste Marc.

Deux récits formant un tout

« La ballade au clair de lune » racontée par Marc (6.45 à 52) suit « l’affaire des pains » où Jésus nourrit une grande foule (Marc 6.30 à 44). Les deux récits sont liés. En conclusion de « La ballade au clair de lune », l’évangéliste remarque : « les disciples n’avaient rien compris à l’affaire des pains. » (v. 54) Il relie ainsi les deux faits merveilleux « la multiplication des pains » (Marc 6.30 à 44) et «la marche sur les eaux » (Marc 6.45 à 54). Un bref coup d’œil chez Matthieu et Jean permet de confirmer cette intuition : « la balade au clair de lune » suit toujours « l’affaire des pains ». Les deux textes forment bien un tout. Avant l’affaire des pains, Marc raconte la mort de Jean Baptiste (Marc 6.17 à 29) puis le récit de la multiplication des pains démarre au verset 30 sans mot de liaison. Par contre, lorsque Marc entame au verset 45 l’épisode de la marche sur l’eau, il commence par le mot « aussitôt » pour bien montrer le lien entre les deux faits merveilleux.

1. Le passage au travers de l’eau

L’analyse littéraire peut être « interne au texte »  comme dans notre fiche sur « La visite des mages » (Matthieu 1. 1 à 12) , mais elle peut prendre également un aspect « comparatif ». Il s’agit alors de déterminer à quel genre littéraire appartient notre texte. S’agit-il d’un discours, d’une lettre, d’un texte de loi etc. ? Ici, c’est bien entendu un récit qui s’offre à nous.  Il relève d’une scène type : le passage au travers de l’eau.

Il s’agit, sans nul doute de la scène type la plus connue à l’époque de rédaction des évangiles. En voici les éléments essentiels selon Exode 14 :
– le peuple a peur lorsqu’il voit les Egyptiens lancés à sa poursuite (v. 10) ;
– Moïse leur dit « n’ayez pas peur » (v. 13) ;
– un vent fort souffle toute la nuit ( v 21) ;
– vers la fin de la nuit les Egyptiens sont bloqués (v 24) ;
– à l’aube la mer a reprend sa place habituelle.(v27).
Selon le livre de l’ Exode, après le passage de la mer, Dieu nourrit son peuple dans le désert grâce à la manne.

Voici le texte (Marc 6.45 à 52), dans une traduction qui s’inspire de Parole de vie et de la T.O.B.
Tout de suite après, Jésus oblige ses disciples à monter dans la barque. Il veut qu’ils passent avant lui de l’autre côté du lac vers la ville de Bethsaïda. Pendant ce temps, il veut faire partir la foule. Jésus la renvoie donc, puis il s en va dans la montagne pour prier Moïse va également dans la montagne pour  prier, c est là qu il recevra les tables de la loi.Quand la nuit arrive, la barque est au milieu du lac, et Jésus est seul, à  terre. Il voit que ses disciples ont du mal à ramer parce que le vent souffle contre eux.
Alors, vers la fin de la nuit, Jésus vient vers eux en marchant sur l’eau et ils croient que c’est un fantôme. Ils se mettent à crier. En effet ils le voient et ils sont effrayés.
Mais Jésus leur parle tout de suite en disant : « rassurez-vous, c’est moi ! N’ayez pas peur ! ». Il monte à côté d’eux dans la barque, et le vent s’arrête de souffler.
Les disciples sont profondément étonnés. En effet ils n’ont compris ce qui s’était passé, quand Jésus a partagé les  pains. Leur cœur est fermé.

Dans le premier testament, Dieu est souvent présenté comme celui qui permet de traverser  les eaux sans risques : Esaï.43.2 ; 63.12 ; Hab3.15 ; et Josué 3 et 4.

La marche sur l’eau n’est pas le seul élément merveilleux de ce texte :
Jésus voit les disciples depuis la montagne en pleine nuit !
Les disciples croient aux fantômes.
Le vent s’arrête de souffler dès que Jésus entre dans la barque.

 

2. L’affaire des pains

Voici le texte où Jésus nourrit une grande foule (Marc 6.30 à 44)

En débarquant Jésus vit une grande foule. Il fut pris de pitié pour eux parce qu’ils étaient comme des brebis qui n’ont pas de berger, et  il se mit à leur enseigner beaucoup de choses. Moïse voit également que le peuple était comme des brebis qui n’ont pas de berger (Nombres 27.17)
 Puis comme il était déjà tard, ses disciples s’approchèrent de lui pour lui dire « l’endroit est désert et il est déjà tard. Renvoie les ; qu’ils aillent dans les hameaux et les villages des environs pour s’acheter de quoi manger. Après le passage de la mer, le peuple fut pendant quarante ans dans le désert.
  Mais il leur dit « donnez leur vous-même à manger. » Ils lui dirent : «  faut-il aller acheter pour deux cents pièces d’argent de pain et leur donner à manger ? » Il leur dit « combien avez vous de pain ? Allez voir ! »  Ayant vérifié, ils dirent « cinq, et deux poissons ». Marc met en valeur l’importance de la participation des apôtres. Ils symbolisent la communauté chrétienne
 Et il leur demanda d’installer tout le monde par groupes sur l’herbe verte. Ils s’étendirent par rangées de cent et de cinquante. Rappel de l’organisation du peuple d’Israël dans le désert (Exode 18.21 et 25 ; Deutéronome 1.15)
 Jésus pris les cinq pains et les deux poissons, et levant son regard vers le ciel, il prononça la bénédiction, rompit les pains et il les donnait aux disciples pour qu’ils les offrent aux gens. Il partagea aussi les deux poissons entre tous. Sans doute rappel de la prière des chrétiens avant la fraction du pain.
  Ils mangèrent tous et furent rassasiés. Comme dans le désert où Dieu donnait la manne au peuple pour le nourrir. Chacun en avait suffisamment (Exode 16. 18)
 Et l’on emporta les morceaux, qui remplissaient douze paniers, et aussi ce qui restait de poisson. Ceux qui avaient mangé les pains étaient cinq mille hommes Symbole des douze tribus d’Israël

 

3. Les récits merveilleux dans la Bible

La Bible utilise le merveilleux comme un moyen de communiquer l’évangile. Selon l’écriture, l’annonce de la bonne nouvelle peut se faire en utilisant la fantaisie et l’imagination. Mais elle l’emploie dans un cadre connu de ses lecteurs. Elle ne met pas en avant les faits extraordinaires pour rendre impressionnante la force de Jésus. Le côté magique est d’ailleurs totalement absent dans la mesure où la description du phénomène est réduit à sa plus simple expression : pas de baguette magique, pas d’étincelles ni de formule ! Nous ne sommes pas dans un spectacle fantastique.

La Bible utilise donc le merveilleux mais sans excès. Le fantastique un bon moyen pour annoncer l’évangile mais avec modération. L’abus d’extraordinaire donne le tournis !

Claude DEMISSY, Union des Eglises Protestantes d’Alsace et de Lorraine, 2006