1

Alliances aux puits

illustrations_Marie_Pierre_tente_berbere Une lecture comparative de récits bibliques ayant des points communs peut nous faire découvrir, au travers des lectures intertextuelles, une finesse littéraire digne d’un travail d’orfèvrerie…

Pour s’ouvrir à cette lecture comparative, il nous faut accepter tout d’abord l’idée que certaines scènes se répètent. Soit qu’un même personnage vive plusieurs fois la même scène dans un contexte différent, soit que la même histoire soit racontée avec des personnages différents. Il nous faut accepter l’idée que les répétitions ne sont pas fortuites – comme on dit pour les fictions télévisées – ni involontaires, ni le fruit d’une désorganisation de la tradition orale, mais bien une volonté du narrateur biblique, à partir de cadres narratifs prédéfinis, de lancer des signaux au lecteur averti…
Car ‘répétitions’ ne veut pas dire copier/coller ! Une même scène vécue par deux personnages différents (David terrassant le champion des Philistins dans le premier livre de Samuel, au chapitre 17 et Elhanân tuant Goliath en 2 Samuel 21,19) prend une signification différente, selon ce que le narrateur veut nous communiquer de sa compréhension de la volonté divine. Un même personnage vivant une même scène à divers moments de son existence, et/ou entouré de protagonistes différents, nous invite à réfléchir, justement à partir des nuances dans la narration. Ainsi, Robert Culley met en avant des ‘scènes types’ qui interpellent le lecteur : les annonciations (femmes stériles, héros à naître), les rencontres aux puits (alliances), les épiphanies dans les champs (manifestation divine), les dangers au milieu du désert (survie) et les testaments (mort prochaine du héros).
Alter, dans son livre « L’art du récit biblique », nous propose de comparer les rencontres auprès des puits. Il constate un schéma type : le futur époux effectue un voyage à l’étranger ; il rencontre une jeune fille au puits ; il abreuve les bêtes et/ou puise l’eau ; son arrivée est annoncée à la famille de la jeune fille ; ils prennent ensemble un repas ; des fiançailles sont conclues.
Voilà la description de la conclusion d’une alliance parfaite, où tout se passe bien et dont le résultat est en quelque sorte ‘une alliance idéale’. Le futur époux est apte à quitter le cocon familial, à fonder sa propre famille ; la jeune fille est promesse de fécondité, de descendance ; par l’action de puiser pour la belle, l’homme lui indique sa volonté d’établir une alliance ; il faut que cela soit annoncé à la famille de la fille et accepté par un rituel de repas ; des fiançailles marquent l’officialisation de cette alliance.
Mais à l’intérieur de ce schéma type, des variations sont possibles. C’est là que se situe tout l’intérêt !

En Genèse 24,10-67, Abraham envoie un serviteur chercher une épouse pour Isaac. Le serviteur va en Mésopotamie, dans la ville de Nachor qui est frère du patriarche. On apprend au verset 62 que, pendant ce temps, Isaac s’est rendu au puits de Lachaï-Roï. C’est donc un serviteur qui part, envoyé par le père. Isaac serait peut-être aujourd’hui qualifié de « Tanguy » ?!? Et où est-il donc allé ? S’est-il trompé de puits ou alors, de par son intervention, en envoyant un serviteur, Abraham a-t-il changé le cours des choses ? Autre nuance : ce n’est pas l’homme qui puise pour la femme, mais bien Rebecca qui a rempli sa cruche et qui abreuve le serviteur et ses bêtes (16 à 20). Le narrateur nous dit même qu’elle court et abreuve tous les chameaux ! Rebecca est dès lors présentée comme une jeune fille active, prenant des initiatives. Ayant reçu des bijoux du serviteur, elle court chez… sa mère. Et c’est son frère Laban qui prend l’initiative d’inviter le serviteur d’Abraham, et de sceller l’alliance. Béthuel, le père, n’est cité qu’en passant, au verset 50, très effacé derrière son fils. Le serviteur fait de riches présents à Rebecca, à son frère et à sa mère… Au père, point (53). Ces présents prennent une certaine importance, à plusieurs reprises dans le texte ! Le récit, entre l’annonce de l’arrivée du serviteur par Rebecca au verset 28, et le repas rituel au verset 54, est très lent, car le serviteur reprend mot à mot toute son histoire depuis l’envoi par Abraham… Un peu comme pour dire : « Moi, j’ai fait comme on m’a dit de faire ! » Entre les versets 55 et 59, le narrateur nous confirme le caractère volontaire de la fiancée qui décide de partir sans attendre. Une femme de caractère, à n’en point douter !
Le narrateur, obligé de prendre du large par rapport à son schéma type, introduit encore un laps de temps nécessaire au retour vers Isaac avant la conclusion officielle des fiançailles au verset 67. Et de conclure par cette phrase : « Ainsi fut consolé Isaac après avoir perdu sa mère » (67). Le pauvre Isaac nous est vraiment présenté comme un personnage dépendant, et dépendant de femmes, en particulier… Il est pourtant bien compté comme patriarche d’Israël.

En Genèse 29,1-20, plusieurs éléments nous montrent que l’alliance s’annonce difficile. Tout d’abord, Jacob est fugitif et sans fortune. Il arrive auprès d’un puits, dans un champ, où se reposent des brebis. Le puits est fermé par une grande pierre. Jacob veut à tout prix que les bergers abreuvent leurs bêtes, et encore plus dès qu’apparaît Rachel avec le troupeau de son père ! Il roule lui-même la grande pierre pour abreuver les brebis et se précipite pour embrasser Rachel, sûr que c’est avec elle qu’il est venu conclure son mariage. Tout se déroule presque parfaitement selon le schéma idéal, jusqu’au verset 22. Le rituel du repas est conclu par l’alliance de Jacob avec… Léa, sœur aînée de Rachel – et moins jolie – ! Jacob aurait-il dû se méfier, alors que son oncle Laban ne lui offrait pas directement le repas rituel, et le mettait en position d’employé de sa maison, plus que de fiancé ? N’oublions pas que le futur époux doit apporter des cadeaux à la famille de celle qu’il convoite. Cependant Jacob ayant épousé Léa contre sa volonté doit « finir la semaine » avec elle, après quoi, il obtient enfin Rachel, pour laquelle, alors qu’ils sont déjà unis, il doit encore travailler sept ans. Il est donc bien employé par son beau-père Laban.

Encore une fois, c’est la façon dont les événements sont racontés qui influence la façon dont nous percevons les personnages. Jacob est entreprenant, pugnace et il sait ce qu’il veut, Laban est tricheur, Rachel est belle, mais se tait, Léa subit… Le lecteur pressent des complications pour le futur !

En Exode 2,15b-21, le récit est extrêmement court, rapide. La vie privée de Moïse n’intéresse pas le narrateur. On sait que Moïse lui aussi est un fuyard. Il s’arrête près d’un puits, au pays de Madian.
Arrivent non pas une, mais sept jeunes filles pour puiser et abreuver le troupeau de leur père. Mais des bergers veulent s’imposer avant elles. Moïse chasse les importuns et entreprend en premier lieu d’abreuver lui-même le troupeau. Les sept jeunes filles vont annoncer ces événements à leur père, le repas est évoqué dans le discours d’invitation du prêtre Reouel (20) et Tsiporah (Séfora), l’une de ses filles, est donnée à Moïse.
Voilà une affaire rondement menée, dans le cadre du schéma type mené jusqu’à la perfection par la présence de sept jeunes filles au lieu d’une. De plus, les filles sont sauvées par Moïse puisant l’eau de manière parfaite. Moïse est le candidat idéal pour une alliance !

illustrations_Marie_Pierre_ombre_chameau Prenons encore un exemple, ou plutôt, un contre-exemple : dans le premier livre de Samuel, au chapitre 9.
Saül quitte le cocon familial à la recherche d’ânesses perdues. Mais au verset 5, il serait bien rentré sans avoir accompli sa mission si son serviteur ne l’en avait pas découragé…
Voici les jeunes filles au v .11, mais Saül ne puise pas pour elles. La scène est avortée. Puisque cela ne se passe pas comme prévu, Saül est obligé d’aller lui-même s’annoncer (auprès de Samuel). Le rituel du repas est bien présent, et Saül est un invité attendu et honoré qui scelle ses ‘fiançailles’ en mangeant ce que le peuple a mis à part pour lui (24).
Le narrateur biblique, par ce récit où certaines choses se passent comme prévu et d’autres pas, nous donne des indications pour la suite de la royauté de Saül, comme des petits clignotants avertisseurs qui s’allumeraient pour le lecteur attentif…

Tout le livre de Ruth, bien que d’écriture plus tardive et supposant d’autres conventions littéraires que les textes vus précédemment, nous décrit une alliance avec tous les ingrédients nécessaires, bien que bousculés.
Il y a bien un voyage, mais c’est la future épouse qui est en situation de quitter sa terre natale (1,16 à 22). La future épouse est veuve. Boaz rencontre Ruth au champ (allusion à Lévitique 19,9-10 et Dt 24,19) et lui propose (2,9) de boire à sa soif l’eau que les serviteurs ont puisée. Un repas est pris (2,14) où Ruth mange à sa faim avec les serviteurs, et un deuxième repas (3,7) où Boaz lui aussi est rassasié. Entre ces deux repas, l’annonce à la famille est décrite avec des allers-retours de Ruth vers Naomi et les conseils de celle-ci. L’alliance est conclue, de façon plus solennelle que dans les récits précédents, avec de nombreuses allusions au livre du Deutéronome et aux lois d’Israël (par ex, Ruth 4,7 renvoie à Dt 25,8).
Ce récit, bourré de variantes aux scènes types évoquées plus haut, joue un rôle particulier dans la mémoire d’Israël : il prépare la généalogie du futur roi David. Il faut donc que les étapes de l’alliance se déroulent dans les règles de la convention littéraire, mais aussi et surtout dans les règles établies dans les livres de la Torah (Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome). Il s’agit ici de fixer des bases à la légitimité de la royauté de David ! Et pour le chrétien, poser les bases de la légitimité de la royauté de Jésus-Christ (évangile de Matthieu, 1 à 17) !

Dans un autre style encore, nous pouvons lire le chapitre 4 de l’évangile de Jean : Jésus passe par la Samarie pour se rendre en Galilée, il est donc à l’étranger. Une femme vient puiser de l’eau là où Jésus s’est arrêté pour se reposer (4 à 7). Il lui demande à boire. Après une longue discussion, personne ne boit ! La femme laisse sa cruche et s’en va annoncer au village la venue de celui qui pourrait être Christ. Un repas est partagé par les disciples, mais Jésus ne mange pas… Il reste deux jours parmi les Samaritains qui entrent dans l’alliance par une confession de foi, au verset 42.
Le texte, rempli au départ d’éléments ‘terre à terre’ – les paroles de la femme samaritaine (29-30), le fait d’être fatigué (5), d’avoir soif, d’avoir faim… – se conclut par une déclaration de foi, déplaçant l’urgence matérielle du texte à un niveau spirituel, passant d’un déplacement qui aurait pu être stérile à une alliance inattendue.

En conclusion
Tout lecteur biblique sera ainsi attentif aux répétitions à l’intérieur d’un même livre biblique ou même en comparant plusieurs livres entre eux. Attentif avec prudence, car il ne s’agit pas, et le danger est grand, de vouloir à tout prix comparer l’incomparable, et faire dire aux textes ce qu’ils ne disent pas ! L’intérêt d’une lecture comparative se situe peut-être moins dans la mise en parallèle d’une multitude de textes pour en tirer des conclusions générales, que dans le travail qui reste encore à faire après cette lecture comparative : « J’ai constaté, entre différents textes, ceci et cela. En quoi est-ce que ces éléments de comparaison peuvent m’aider à comprendre le texte particulier sur lequel je me concentre maintenant… ? »
Le texte particulier sur lequel se penche le lecteur sera éclairé par la lecture comparative. Le lecteur se laissera interpeller dans son travail de lecture par les éléments de comparaison : il devra réfléchir encore plus loin, faire fi des idées préconçues ou héritées d’une précédente lecture, se poser la question « pour quoi… ? », afin de donner du sens à ce qui apparaît comme répétitif et à ce qui apparaît comme différent. C’est, heureusement, un travail sans fin, dont les résultats ne seront jamais figés…

Crédit : Marie-Pierre Tonnon

Enregistrer

Enregistrer




Fleuves et lacs de la Bible


Il y a en Palestine fort peu d’eau et peu de cours d’eau. Ainsi, comme toute source d’eau en pays sec, les fleuves étaient et sont encore considérés comme une fortune, un signe de faveur et d’abondance…

LAC

Lac : vaste étendue d’eau entourée de terre ! Ce mot peut apparaître occasionnellement dans certaines versions (Job 14, 11 ; 1 Maccabées 11, 67 : eaux du Gennèsar) ; mais l’hébreu n’a pas de terme correspondant. Les plus petites pièces d’eau sont des étangs ; les plus grandes sont « des eaux » (maîm) comme celles de Mérom, ou même « une mer » (yâm) comme celle de Kinnéreth (Nombres 34, 11).
Les trois évangélistes d’origine juive conservent donc le terme de « mer » (grec thalassa) pour désigner le lac de Génézareth : mer de Galilée, ou de Tibériade (Mc 1, 16 ; Mt 4, 18 ; Jn 6, 1) ; seul Luc, voyageur en Occident qui connaît la véritable mer, la Méditerranée, prend soin d’employer le terme grec classique limnè, mot propre pour lac (Lc 5, 1 ; 8, 33). Mais dans Apocalypse 19, 20, etc., le même limnè est rendu par : étang.

La Palestine renferme trois lacs ou mers intérieures :

Le lac Mérom, Mérom (eaux de), (Jos. 11, 5-7), autrement dit Samochon, situé au nord près de la ville de Daphné. C’est le nom de l’endroit (ou de la région) où Josué combattit et mit en déroute une coalition de rois cananéens et leurs armées. On adopte généralement l’identification de ces eaux avec le lac Houlé, celui des lacs du Jourdain situé le plus au nord et qui est, à n’en pas douter, le Semechonitis de Josèphe (Ant. V, 5, 1). Le lac Houlé, de forme triangulaire, n’est en réalité qu’un élargissement du Jourdain. Le terrain aux alentours est très marécageux, surtout au nord, et abonde en gibier. Mais les rois cananéens auraient-ils choisi un terrain de combat aussi dangereux ? Le passage de Josué suppose-t-il un endroit différent ?

Le lac de Génézareth, la mer de Galilée ou le, lac de Tibériade, ainsi nommé de la ville voisine Tibériade. Ce lac est environné de plaines et de collines extrêmement fertiles et agréables ; de là son nom Génézareth, c’est-à-dire Jardin du Prince. Il est très poissonneux.

La mer Morte, autrement mer Asphallite, à cause de l’asphalte ou bitume qui se trouve en si grande quantité sur la surface du lac et sur ses bords. Ce nom « mer Morte » ne se rencontre pas dans la Bible, le texte hébreu dit « mer Salée » (Gen. 14, 3 ; Nombres 34, 12 ; etc.), car ses eaux contiennent cinq fois plus de sel que l’eau de mer ; enfin elle est aussi appelée mer du Désert, mer Orientale ou mer de Siddim (Gen. 14, 10), à cause de sa situation.

Rivage de la mer Morte

La mer Morte a affecté la pensée religieuse des Hébreux quand ils réfléchissaient aux conditions du jugement et du châtiment du péché. Il est naturel qu’ils aient pensé à la mer « du Sel », car Sodome et Gomorrhe, jadis prospères dans la vallée de Siddim, projettent leur ombre sur toute la philosophie de la religion d’Israël. L’histoire de Lot et de sa famille est racontée dans Gen. 19 ; voir aussi Deut. 29, 23 ; Amos 4, 11 ; Esaïe 1, 9 et ss ; Jér. 23, 14 ; Ez. 16, 46, 49, 53, 55. Jésus fait des allusions fréquentes à ces deux villes (Mt 10, 15 ; 11, 24 ; Mc 6, 11 ; Lc 10, 12 ; 17, 29).

En contraste avec ces sombres tableaux, les descriptions prophétiques d’Ezéchiel 47 parlent d’une transformation anticipée du désert en un lieu fertile grâce au torrent d’eau vive qui sortira du temple de la Jérusalem restaurée.

FLEUVES ET TORRENTS

Le mot fleuve désigne le plus souvent, mais sans exclusivité, les cours d’eau qui se jettent dans la mer. D’une façon générale, on nomme fleuves les cours d’eau importants par leur longueur et leur volume, et rivières les cours d’eau secondaires.

L’A.T. contient sept termes différents, équivalents de : fleuve, cours d’eau, ruisseau, rivière, canal, conduit et torrent. La différence entre le cours d’eau permanent et le torrent au cours momentané est décrite dans Job 6, 15 et suivants.

Ainsi que toute source d’eau en pays sec, les fleuves étaient considérés comme une fortune, un signe de faveur et d’abondance (Ps. 46, 5 ; Job 29, 6). On utilisait souvent les cours d’eau pour délimiter les territoires (Gen. 15, 18 ; Nombres 34, 5 ; Jos. 1, 4 ; Juges 4, 13 ; 2 Rois 1, 33). Leurs eaux étaient fort peu utilisées pour la navigation.

Les fleuves, cours d’eau ou torrents sont souvent des termes de comparaison. L’avance de l’ennemi est représentée comme un torrent qui s’avance (Jér. 46, 7 ; 47, 2 ; És. 8, 7 ; 59, 19). Ils symbolisent des grâces spirituelles dans Éz. 47, 1 et suivants ; És. 33, 21 ; Jn. 7, 38 ; etc.

Il y a en Palestine fort peu d’eau et partant fort peu de cours d’eau ; un seul fleuve y coule : le Jourdain.

Par contre il y a de nombreux torrents :

– Torrents
On désigne de ce nom un cours d’eau impétueux et rapide, pour le distinguer d’une rivière ou d’un ruisseau. La vitesse des eaux d’un torrent est due à ce qu’il dévale des pentes très fortes ; le plus souvent, c’est un cours d’eau temporaire qui s’assèche l’été et ne coule qu’à la saison des pluies. Le lit du torrent est mal défini et varie avec les chutes d’eau qu’il doit canaliser. Dans les régions montagneuses comme la Palestine, les torrents sont très nombreux, grossissent beaucoup par les pluies et sont à sec l’été. Le Jourdain lui-même a un cours quelque peu torrentiel, bien qu’il ait toujours de l’eau.

Des montagnes de Judée, descendent vers la mer Méditerranée : Le Bésor (1 Sam. 30, 9-10), le Kana (Jos. 17, 9), et du mont Guilboa le Kison (Juges 4, 7 ; 5, 21 ; 1 Rois 18, 40) enfin le Kerith où Dieu cacha Élie (1 Rois 17, 3) ; le Cédron, coulant jadis entre Jérusalem et le mont des Oliviers, se dirigeait ensuite vers la mer Morte (2 Sam. 15, 23 ; 1 Rois 2, 37 ; 15, 13 ; 2 Rois 26, 6, 12 ; 2 Chro. 15, 16 ; 29, 16).

De la chaîne montagneuse Est descendent vers le Jourdain ou la mer Morte : le Jabbok (Gen. 32, 22 ; Nombres 21, 24, Deut. 3, 16 ; Jos. 12, 2), l’Arnon (Nombres 21, 14 ; 22, 36 ; Juges 11, 18 ; 2 Rois 10, 33 ; És. 16, 2 ; Jér. 48, 20) et le Zered (Deut. 2, 13 ; Nombres 21, 12).

Le gué de Jabbok

Le « torrent d’Égypte «  marquant la frontière S-O de la Palestine (Nombres 34, 5 ; Jos. 15, 4, 47 ; 1 Rois 8, 65 ; 2 Rois 24, 7 ; etc.), est encore appelé « le torrent qui se jette dans la grande mer » (Éz. 48, 28 et 47, 19) et peut être aussi « le torrent du désert » (Amos 6, 14), qu’il ne faut pas confondre avec le « fleuve d’Égypte », c’est-à-dire le Nil. Le ouâdi el-Arich, après un très long parcours dans la péninsule du Sinaï, se jette dans la Méditerranée à 80 km au S.O. de Gaza, et à 120 km à l’Est du delta du Nil. Son lit profond n’a de l’eau qu’après de fortes pluies.

Le mot hébreu qui désigne le torrent s’applique aussi à sa vallée. On jette les choses malsaines au torrent, qui emporte tout (Deut. 9, 21 ; 2 Samuel 17, 13 ; 2 Rois 23, 12 ; 2 Chro. 29, 16). Le torrent symbolise la rapide avance de l’ennemi (Jér. 46, 7 ; 47, 2 ; És. 8, 7, 59, 19), la perfidie (Job 6, 15), l’inconstance (Job 22, 16), l’abondance et la puissance (Ps. 119, 136 ; Prov. 18, 4 ; És. 30, 28 ; Lam. 3, 48 ; Dan. 11, 22 ; Amos 5, 24, Michée 6, 7 ; Mt 7, 25).

– Le Jourdain
Le Jourdain est le plus important cours d’eau de la Palestine. Il sépare la Palestine proprement dite de la Transjordanie. Il coule presque directement du N. au S., de la région du mont Hermon et de l’Anti-Liban à la mer Morte, dans une large dépression du sol (ARABA) parallèle à la côte E. de la Méditerranée, à une distance de 80 km environ. La fascination qu’exerce le Jourdain sur ceux qui étudient la Bible est due tant à ses extraordinaires caractéristiques physiques qu’aux associations historiques qu’il suggère.

1. Étymologie du nom. Dans le texte hébreu de l’A.T., le nom Yardên est presque toujours précédé de l’article défini. Si son étymologie peut encore être déterminée et si son origine est sémitique, la théorie la plus plausible est que Yardên dérive du verbe hébreu yârad : descendre ; « le Jourdain » signifierait « celui qui descend ». Cette théorie trouve un appui dans le fait du cours rapide de la rivière. Suivant une deuxième opinion, Jourdain dériverait de l’arabe ouarada : descendre vers l’eau (le bétail surtout), et l’on aurait « l’abreuvoir » ou « le gué ». Dans l’arabe moderne, le Jourdain s’appelle toujours ech-Cherîa, l’abreuvoir. Une troisième théorie, adoptée par Jérôme (Comm. sur Mt. 16, 13), veut que Jourdain résulte de la jonction des noms de deux sources de la rivière Joy et Dan ; mais cette thèse est sans fondement, car on ne connaît aucune source du nom de Joy. Nous en dirons autant d’une quatrième supposition, d’après laquelle Jourdain serait une combinaison de yeor et de Dan : rivière de Dan.

2. Caractères physiques. Le Jourdain a trois sources principales :
la rivière Hasbâni, qui sort d’une fontaine (alt. 522 m.), près d’Hâsbeiyâ, sur la pente occidentale du mont Hermon, et qui reçoit le tribut de diverses autres sources et des torrents de l’Anti-Liban et de l’Hermon ;
le Leddan ou Dan, qui provient de la fontaine (alt. 154 m.), voisine de Tell et-Kâdi ;
le Banias, qui émerge d’une caverne (alt. 338 m.) près de Banias (Césarée de Philippe).

Ces deux dernières se réunissent à environ 7 km au Sud de Tell el-Kâdi ; 1 km plus loin à peu près, elles reçoivent la rivière Hasbâni et dès lors commence le Jourdain proprement dit (alt. 45 m.). Env. 10 km plus au S., le Jourdain coule dans une dépression marécageuse et forme le lac Hoûlé (appelé aussi Mérom ; alt. 2 m ; longueur 6 km 5). Le cours se poursuit sur 16 km jusqu’au lac de Tibériade (210 m au-dessous du niveau de la mer ; longueur 22 km). Le Jourdain coule finalement encore 110 km et se jette dans la mer Morte (391 m au-dessous du niveau de la mer).
Ainsi le Jourdain peut être divisé en trois parties :
1. le Jourdain supérieur, qui s’étend des sources au lac Hoûlé ;
2. le Jourdain moyen, entre le lac Hoûlé et le lac de Tibériade ;
3. le Jourdain inférieur, qui parcourt la large vallée d’el-Ghôr, du lac de Tibériade à la mer Morte.

Le Jourdain est donc une rivière remarquable, même indépendamment de tous les souvenirs historiques qui s’y rattachent. Sa longueur, de Hâsbeiyâ à la mer Morte, ne dépasse pas 215 km à vol d’oiseau. Mais son cours est tellement sinueux qu’on peut l’évaluer à 400 km au moins. Sa source la plus haute étant à 522 m au-dessus du niveau de la mer, et son embouchure à 391 m au-dessous, la descente est de 913 m sur 215 km. D’un point situé à environ 3 km du lac Hoûlé jusqu’à la mer Morte, soit sur une distance d’environ 145 km, le Jourdain coule au-dessous du niveau de la Méditerranée. Rien d’étonnant que G.A. Smith ait écrit : « Il y a peut-être, à la surface d’une autre planète, quelque chose d’analogue à la vallée du Jourdain ; il n’y en a point sur celle-ci. ».

Le Jourdain

3. Dans l’histoire biblique. L’importance de Jourdain est due en grande partie aux caractéristiques physiques décrites ci-dessus, car sa vallée servait de barrière et de limite naturelle, C’est ainsi que d’après Gen. 32, 10 il fut une ligne de démarcation au temps de Jacob. Dans Nombres 4, 10-13 ; Deut. 3, 20 ; 27, 4, il sert de limite entre les neuf tribus et demie et les deux tribus et demie. Moïse conduit les enfants d’Israël à Moab, mais ne peut traverser le Jourdain pour entrer dans la Terre promise ; cette entreprise est confiée à son successeur, Josué (Jos. 12). Plus tard, dans l’État idéal d’Ézéchiel, le Jourdain constitue la frontière (Éz. 47, 18).

Il est naturel qu’une rivière ayant une telle importance politique prenne aussi une importance religieuse. Ainsi, la fin de la vie d’Élie et la transmission de son manteau à Élisée, telles qu’elles sont racontées dans 2 Rois 2, 7ss, ont lieu au bord du Jourdain. Dans 2 Rois 5, 10, Élisée promet à Naaman qu’il sera guéri s’il consent à s’y laver sept fois.
L’association intime entre le Jourdain et l’histoire politique et religieuse des Hébreux fit de ce fleuve un lieu tout indiqué pour les baptêmes qu’administrait Jean-Baptiste. On ne sait pas exactement l’emplacement de Béthanie (ou Bétha bara) au-delà du Jourdain où Jean baptisait (Jn 1, 28 ; 3, 26, cf. Mc 1, 5-11) ; la tradition veut que ce soit la moderne Makhâdet Hadjlé, voisine de l’embouchure du Jourdain. Le fait que deux anciens monastères de « saint Jean-Baptiste » soient situés près de cet endroit montre qu’il a été regardé de très bonne heure comme le lieu du baptême de Jésus.

4. Autres faits intéressants. Bien que le Jourdain sépare de la partie occidentale de la Palestine la région orientale (appelée pour cette raison Transjordanie), la véritable barrière n’était pas le fleuve lui-même, mais l’abrupte dépression géologique dans laquelle il coule. Car le Jourdain n’est très profond nulle part. II atteint 1,50 m à 3,50 m sauf sur certains points où il se creuse davantage. Il y a cinq gués sur le Jourdain moyen et cinquante-quatre sur le Jourdain inférieur. Les ponts n’ont existé qu’à dater de la conquête romaine. « On ne connaît aucune trace d’un pont de pierre établi au-dessus du Jourdain dans la région du sud. Les bacs ne pouvaient manquer. Ils portaient le même nom que les gués, en hébreu mâ’ borêt, en araméen : ma’berâ, mabbarâ. Le passage en bac n’était pas gratuit. On était persuadé qu’on pouvait courir quelque danger si l’on prenait place en compagnie d’un païen. On voit sur la carte de Madaba, dans les environs du pont de bois actuel, un câble tendu transversalement au-dessus du fleuve, au gué de Makhâdat el-ghôrânîyé avec, au milieu des eaux, une courte barque, dont le mât rejoint le câble. Une deuxième embarcation se distingue en amont, dans la région d’Ainon, près Salem. » [Gustave Dalman. Les Itinéraires de Jésus. Topographie des Evangiles. Édition revue et complétée par l’auteur. Traduction française par Jacques Marty. Avec 46 figures et plans de Gustaf Hermann Dalman et Jacques Marty (Reliure inconnue – 1930)]

Mais les Israélites connaissent aussi d’autres fleuves, notamment :

– Le Nil (És. 23, 3-10 ; Jér. 2, 18), avec tous les bras du Delta (cf. Ex. 7, 19 8, 5) ; il est appelé le fleuve d’Égypte (Gen. 15, 16 ; 2 Rois 19, 24 ; Am. 9, 5). Il ne faut pas confondre ce Fleuve de l’Égypte (cf. Gen. 41, 1 ; Ex. 1, 22 ; 4, 9 ; 7, 17 ; etc.) avec le Torrent d’Égypte.

– L’Euphrate était aussi très connu : c’était une limite entre la Palestine et le pays de Babylone (Assyrie). C’était le fleuve par excellence (Gen. 15, 19 ; Deut. 1, 7 ; 11, 24 ; 2 Sam. 8, 3 ; 2 Rois 23, 29 ; Jér. 46, 10, etc.), désigné comme « le Fleuve » sans autre qualificatif (Jos. 24, 2 ; 24, 14 ; 2 Sam. 10, 16 ; 1 Rois 4, 21-24 ; 14, 16, Esdras, etc.). C’est le fleuve de Babylone accompagné de nombreux canaux (Ps. 137, 1). L’Euphrate était le quatrième fleuve qui sortait de l’Éden (Gen. 2, 14). Le troisième était Hiddékel, qui est le Tigre (Gen. 2, 14, Dan. 10, 4). Les deux autres, Guihon et Pishon, ne sont pas mentionnés ailleurs. Le nom hébreu de la Mésopotamie (Gen. 24, 10 ; Ps. 60, 1, etc.), Aram-Naharaïm, signifie « Aram des deux fleuves » : le Tigre et l’Euphrate.

Crédit : Point KT




Sauvés par la mer !

Exode 14/1 à 15/20 : Dieu crée son peuple au travers de la mer. Ce récit est un récit de miracle. Il est donc essentiel de rester dans l’incertitude quant aux détails des faits.
Ce qui est essentiel, c’est que, quelle que soit la version que nous retenons, le peuple se trouvait en situation totalement désespérée, aucune issue n’était humainement envisageable. Et de manière inexplicable, miraculeuse, il est sauvé. Cette délivrance, la foi d’Israël proclame qu’elle est l’œuvre de Dieu. Le miracle de la mer n’est pas un objet d’histoire, c’est une affirmation de la foi. Celle d’Israël. Et la nôtre ?

Lisez le texte d’Exode 14 :
– D’abord ce qui est écrit en italique brun
– Ensuite ce qui est en caractères normaux
– Enfin l’ensemble, en continu.

Exode14
10. Pharaon approchait. Les fils d’Israël levèrent les yeux : voici que l’Égypte s’était mise en route derrière eux. Et les enfants d’Israël eurent une grande frayeur, et crièrent à l’Eternel.
11. Ils dirent à Moïse : « N’y avait-il pas des sépulcres en Égypte, sans qu’il fût besoin de nous mener mourir au désert ? Que nous as-tu fais en nous faisant sortir d’Égypte ?
12. N’est-ce pas là ce que nous te disions en Égypte : laisse-nous servir les Égyptiens, car nous aimons mieux servir les Égyptiens que de mourir au désert.
13.  » Moïse dit au peuple : « N’ayez pas peur ! Tenez bon ! Et voyez le salut que le Seigneur réalisera pour vous aujourd’hui. Vous qui avez vu les Égyptiens aujourd’hui, vous ne les reverrez plus jamais.
14. C’est le Seigneur qui combattra pour vous. Et vous, gardez le silence ! »

15. Le Seigneur dit à Moïse : « Qu’as-tu à crier vers moi ? Parle aux fils d’Israël : qu’on se mette en route !
16. Et toi, lève ton bâton, étends ta main sur la mer, fends-la et que les fils d’Israël pénètrent au milieu de la mer à pied sec.
17. Et moi, je vais endurcir le cœur des Égyptiens pour qu’ils y pénètrent derrière eux et que je me glorifie aux dépens de Pharaon et de toutes ses forces, de ses chars et de ses cavaliers.
18. Ainsi les Égyptiens connaîtront que c’est moi le Seigneur, quand je me serai glorifié aux dépens de Pharaon, de ses chars et de ses cavaliers. »
19. L’ange de Dieu qui marchait en avant du camp d’Israël partit et passa sur leurs arrières. La colonne de nuée partit de devant eux et se tint sur leurs arrières.
20. Elle s’inséra entre le camp des Égyptiens et le camp d’Israël. Il y eut la nuée, mais aussi des ténèbres ; alors, elle éclaira la nuit. Et l’on ne s’approcha pas l’un de l’autre pendant toute la nuit.

21. Moïse étendit la main sur la mer. Le Seigneur refoula la mer toute la nuit par un vent d’est puissant et il mit la mer à sec. Les eaux se fendirent,
22. et les fils d’Israël pénétrèrent au milieu de la mer à pied sec, les eaux formant une muraille à leur droite et à leur gauche.
23. Les Égyptiens les poursuivirent et pénétrèrent derrière eux – tous les chevaux de Pharaon, ses chars et ses cavaliers – jusqu’au milieu de la mer.
24. Or, au cours de la veille du matin, depuis la colonne de feu et de nuée, le Seigneur observa le camp des Égyptiens.
25. II bloqua les roues de leurs chars et en rendit la conduite pénible. L’Égypte dit : « fuyons loin d’Israël, car c’est le Seigneur qui combat pour eux contre l’Égypte ! »

26. Le Seigneur dit à Moïse : « Etends ta main sur la mer : que les eaux reviennent sur l’Égypte, sur ses chars et ses cavaliers ! »
27. Moïse étendit la main sur la mer. À l’approche du matin, la mer revint à sa place, tandis que les Égyptiens fuyaient à sa rencontre. Et le Seigneur se débarrassa des Égyptiens au milieu de la mer.
28. Les eaux revinrent et recouvrirent les chars et les cavaliers, toutes les forces de Pharaon qui avaient pénétré dans la mer derrière Israël, il ne resta personne.
29. Mais les fils d’Israël avaient marché à pied sec au milieu de la mer, les eaux formant une muraille à leur droite et à leur gauche.
30. Le Seigneur, en ce jour-là, sauva Israël de la main de l’Égypte et Israël vit l’Égypte morte sur le rivage de la mer.
31. Israël vit avec quelle main puissante le Seigneur avait agi contre l’Égypte. Le peuple craignit le Seigneur, il mit sa foi dans le Seigneur et en Moïse son serviteur.

Questions :
Qu’observez-vous ?
– Un des deux récits est-il incomplet lorsqu’il est séparé du reste ?
– Comparez ce récit avec Josué 3/7-17 ; 4/10-18.
– Faites la liste de vos observations et de vos questions.

Notes bibliques :

a. Quelques difficultés dans la continuité du récit
– Selon Ex. 11/1, 12/39 les Égyptiens chassent les Israélites.
– Mais le début de Ex. 14/5 parle d’une fuite et la suite du chapitre raconte une chasse aux esclaves en fuite.
– Ex. 12/37 et 13/20 indiquent un itinéraire Ramsès -> Sukkot -> Etam, ce qui correspondrait à la route côtière qui va d’Égypte en Canaan. Cette route était jalonnée par des postes militaires égyptiens.
– En Ex. 13/17-18, cette « route du pays des Philistins » est formellement proscrite à Moïse qui doit conduire le peuple vers la mer de Suph.
– En Ex. 14/2 et 14/9, il est fait mention de Pi Hahirot, près de Bâal Tsephon. On ne sait pas où localiser Pi Hahirot. Bâal Tsephon suggère la côte méditerranéenne, à l’embouchure d’un des bras du delta du Nil.
Ces détails suggèrent une possibilité historique tout à fait plausible : à des dates différentes, des groupes différents sont sortis d’Égypte de manières différentes, les uns expulsés par la route côtière, les autres en fuyant par le désert. Ce serait ces derniers que nous retrouvons en Ex 14, acculés à la « mer de Suph »

b. Où est la mer de Suph ?
Pour un lecteur moderne, la mer d’Ex. 14 ne peut pas être autre chose que la mer Rouge. C’est également ce que pensait Ezéchiel (Ez 10/19), mais Ezéchiel était un exilé à Babylone et n’est peut-être pas allé voir de si près. 1 Rois 9/26 situe la mer de Suph à l’est du Sinaï, dans le golfe d’Aqaba.
Mais en hébreu, on appelle « mer » une étendue d’eau de la taille du lac de Galilée et « Suph » désigne le roseau utilisé pour la fabrication des papyrus. Celui-ci pousse dans des marécages et des étangs, mais pas en mer Rouge.
Un des itinéraires conduisait les Hébreux dans le delta du Nil, où les dépôts alluvionnaires constituent des golfes ou des étangs englobant des eaux de la Méditerranée. C’est une localisation possible de la « mer des joncs » d’Ex. 14. Mais on peut également penser aux lacs Amers, traversés aujourd’hui par le canal de Suez, et qui représentent une étendue d’eau assez considérable…
En fin de compte, il est bien impossible de dire où s’est passé le miracle de la mer, sinon qu’il s’agit d’un endroit entre Suez et la Méditerranée.

c. Les deux récits
Ces deux récits se basent sur le texte d’Ex. 14/10-31.
En relisant ce texte, et sans rien y changer, on peut lire séparément deux récits très différents.
L’un (écrit en caractères normaux) est le récit connu sous le nom de « passage de la mer ».
L’autre (écrit en italique brun) dit tout autre chose :
Le peuple est appelé à rester sur place sans faire de bruit. L’ange et la colonne de nuée isolent Israël des Égyptiens qui ne les voient plus. Tout le monde campe au bord de la mer. En pleine nuit, Dieu intervient dans le camp des Égyptiens.
Le vent a repoussé la mer et les Égyptiens, affolés, s’enfuient dans la mauvaise direction, vers la mer. Celle-ci revient brutalement et au matin Israël constate le résultat : les Égyptiens sont rejetés morts sur la grève.
Ce récit-là est bien moins connu que l’autre parce qu’ils ont été habilement intégrés et imbriqués. Cela nous permet de constater comment travaillaient les rédacteurs qui ont participé à l’élaboration du Pentateuque : trouvant dans la tradition deux récits passablement différents, et beaucoup trop respectueux de ce qui leur avait été transmis pour choisir entre deux présentations différentes, ils les ont conservés tous les deux. Ailleurs, en les juxtaposant parfois ; ici, en les insérant l’un dans l’autre.

La redécouverte du récit du miracle de la mer intégré dans celui du passage de la mer soulève évidemment la question :

d. Et que s’est-il passé réellement ?
Il faut dire tout de suite que nous ne le saurons sans doute jamais. Cependant quelques observations permettent de penser que le récit du passage de la mer est sans doute plus récent que celui du miracle de la mer :
– En Exode 15/1 et 21, nous trouvons un chant de victoire très ancien. Celui-ci ne parle pas d’un passage à travers la mer, mais seulement du fait que YHWH a jeté à la mer le cheval et le cavalier. Il en est de même au v 4. Ce chant atteste donc qu’il y avait bien en Israël une tradition du miracle de la mer, selon laquelle le peuple n’a pas traversé la mer, mais où Dieu avait précipité dans celle-ci les Égyptiens.
– Le récit du « passage » s’inscrit dans la suite du récit des plaies, et particulièrement de la série de plaies, où Moïse fait venir la calamité en étendant son bâton.
– Le récit du « passage » ressemble beaucoup à celui du passage du Jourdain, à l’entrée en Canaan en Josué 3/7-4/24.
Comme le miracle du Jourdain est à la fois un miracle inutile (Josué 2 montre que le Jourdain se franchit aisément à pied), éminemment symbolique (il montre que Dieu livre le pays) et parfaitement explicable (l’effondrement de dunes en amont de Jéricho a reproduit le même phénomène dans la nuit du 7 au 8 décembre 1267, de minuit à 10h du matin), il n’est pas impossible que le passage miraculeux du Jourdain ait suggéré celui de la mer. Mais cela est loin d’être certain.

– Il faut tenir compte de l’influence des récits de création sur celui du passage de la mer. En Genèse 1/6-10, Dieu fend les eaux, place le ciel et crée ainsi l’espace de vie dans lequel l’homme évolue.

– En Job 38/8-11, Ps 104/7-9, la domination de YHWH sur la mer est une étape décisive de la création. En Apocalypse 21/1 la description de la nouvelle terre précise que la mer ne sera plus : c’est que la mer est pour les gens de la terre un lieu de mort.

À Ugarit, et sans doute dans l’ensemble du pays de Canaan, le dieu de la mort et le dieu de la mer portent le même nom, et ce Dieu MOT est fendu par Baal pour créer le monde.
Ce thème mythologique ressurgit sans doute dans le récit de la mer qui est fendue pour livrer passage au peuple. Celui-ci ne passa pas seulement de l’esclavage à la liberté, mais de la mort à la vie. Dieu crée son peuple au travers de la mer.
Tout cela ne dit pas que les événements se sont déroulés comme le présente l’autre récit. Car lui aussi est un récit de miracle. Il est donc essentiel de rester dans l’incertitude quant aux détails des faits.
Car ce qui est essentiel, c’est que, quelle que soit la version que nous retenons, elles affirment toutes deux que le peuple se trouvait en situation totalement désespérée, aucune issue n’était humainement envisageable. Et de manière inexplicable, miraculeuse, il est sauvé.
Cette délivrance, la foi d’Israël proclame qu’elle est l’œuvre de Dieu. Le miracle de la mer n’est pas un objet d’histoire, c’est une affirmation de la foi, celle d’Israël. Et la nôtre ?

Narration d’Exode 14.1 à 15.20
Animation enfant : Le combat de Dieu pour son peuple

 Crédit : Point KT




Quatre fois dix : 40 nombre symbolique dans la Bible

On sait l’importance du symbolisme des nombres dans les cultures antiques et la culture biblique se situe tout à fait dans cette tradition. Dans un peuple où le désert a joué un rôle si important, 40 semble être le chiffre symbolique du désert (cf. Ézéchiel 29,11 et suivants). C’est aussi la durée du déluge et par extension des périodes d’attente, de préparation, de retour sur soi qui doivent précéder tout changement profond.
Dans les cultures antiques, le nombre 40 revient très fréquemment dans les rites funéraires et le culte des ancêtres. Par exemple, le pharaon n’était enterré que 40 jours après sa mort car ce temps était consacré à la préparation de son grand voyage. Il en fut d’ailleurs de même pour Jacob, les médecins au service de Joseph embaumèrent son corps durant 40 jours (Genèse 50,3).

Pour bien lire la Bible, comme l’exprime si bien Jacques Nieuviarts, sur le site « Croire.com », dans sa réponse à un internaute concernant les chiffres et les lettres dans la Bible : « … il faut lire entre les lignes, il faut lire comme les musiciens : sur et entre les lignes, en n’oubliant pas les chiffres qui indiquent le tempo ! Car les chiffres jouent aussi un rôle important dans la Bible. Il y a même un livre des Nombres * ! Le chiffre 40 revient souvent, aussi bien dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament, et semble signifier un temps de méditation et d’épreuve… »

La quatrième lettre de l’alphabet hébraïque daleth = « la porte »

Avant de retrouver à plusieurs reprises dans la Bible ce nombre 40, faisons d’abord un détour rapide mais incontournable par la quatrième lettre de l’alphabet hébraïque daleth dont la valeur numérique est 4. Nous retrouverons, chemin faisant, des éléments symboliques qui rejoignent le nombre 40. Daleth signifie « la porte ». On sait l’importance symbolique de la porte qui ouvre et ferme les espaces ! Mais, sur quoi ouvre cette porte ? La réponse des sages étonne à première vue, ils affirment que cette porte s’ouvre sur la pauvreté.

Le livre du Zohar, quant à lui, estime que les lettres préexistaient à la création du monde : Dieu jouait avec elles et les contemplait. Le texte du Zohar imagine alors un récit subtil et profond dans lequel chaque lettre se présente à Dieu en vue d’avoir le privilège d’être celle avec laquelle Il commencera sa Création.

Ce serait d’ailleurs pourquoi, lorsque les lettres se présentèrent devant l’Éternel afin qu’Il choisisse celle qui recevrait le grand honneur d’inaugurer la création, il refusa de retenir la candidature de DALET ou de GUIMEL et, surtout, de les séparer, en leur disant : « Qu’il vous suffise de rester associées, car comme les pauvres (dalim) ne disparaîtront jamais du monde, il faut les pourvoir (gamol) en bonté. DALET, c’est la pauvreté, GUIMEL, c’est la compensation qui soulage », soutient ce célèbre passage du Zohar (3a). Les deux lettres se voient donc vouées l’une à l’autre, en une association qu’il s’agit d’expliquer ou, plus modestement, de laisser nous éclairer.

Le pauvre se tourne souvent vers l’Éternel pour crier sa plainte, il espère Son secours. Or, plutôt que de le tirer Lui-même de sa misère, Dieu, disent les textes juifs, lui vient en aide en obligeant ses propres frères en humanité à se comporter de façon charitable et juste à son égard. Si la tsedaka ** constitue une obligation, une mitsva *** – et non une générosité tributaire d’un bon vouloir éphémère et souvent insouciant, à la merci de l’humeur du jour – c’est parce qu’une ferveur spirituelle sourde à la douleur du pauvre ne trace, dans le judaïsme, aucune voie vers Dieu.

Le pauvre lui-même ne peut prendre prétexte de sa misère pour exalter une spiritualité allégée du devoir de contribuer au fonctionnement du Temple (Ex 30,15) et de la tsedaka envers son prochain. Non seulement, bien sûr, à cause des autres pauvres que sa pauvreté ne le dispense pas d’aider, mais parce que seule l’association de DALET et de GUIMEL, en l’âme de chacun, dévoile la façon juive de se tenir comme humain face à Dieu.

La pauvreté signifie certes un dénuement matériel, souvent extrême et insupportable. Sa faim, sa soif et sa nudité sont alors, évidemment, à soulager très concrètement, maintenant, sans attendre qu’il soit trop tard, sous prétexte que le regard était ailleurs. Mais la porte de la pauvreté ouvre aussi sur l’espace intérieur de chacun, non tant pour l’inciter à constater ses turpitudes secrètes ou sa misère, et provoquer en lui une affliction, une amertume et une mélancolie destructrices, mais pour lui donner au contraire la chance de se délester des écorces qui entourent son « moi ».

Ces écorces lui font croire, illusoirement, qu’il existe par lui-même, de façon autonome et fière, elles empêchent la lumière divine de passer. Or DALET dénude, elle révèle combien vaine est l’assurance humaine quand elle se ferme à cette lumière. Cette quatrième lettre creuse, au plus profond de soi, un espace de pauvreté et de minceur, meilleur que tous les biens à posséder. Un espace où la réalité de l’autre, de Dieu et du prochain a alors la possibilité de descendre et de se manifester. Non pour combler l’âme pauvre de gratifications spirituelles incommensurables aux richesses et aux plaisirs dont se contente la plupart des hommes, mais pour la convier au don, à la bonté de GUIMEL et, ainsi seulement, pour l’éclairer.

Les Hassidim disent que la pauvreté de DALET permet de s’alléger de la glaise et de sa grossièreté qui, si souvent, forment un écran qui interdit à la lumière de l’Infini de parvenir jusqu’à soi. Grâce à DALET, à sa faiblesse et à sa force, l’homme découvrirait qu’il est appelé à devenir un des réceptacles de cette lumière. Une lumière que nul ne peut garder jalousement pour soi, une lumière qui éclaire les autres également. C’est pourquoi l’espoir du monde repose encore sur l’association précieuse de GUIMEL et de DALET dans l’âme humaine.
Quarante nombre hautement symbolique ! (quelques exemples)

=> Il exprime souvent la durée des périodes :

  • 40 ans, c’est l’équivalent approximatif d’une génération humaine de l’époque.
  • 40 jours, c’est la durée du déluge : Dieu annonce qu’il fera pleuvoir pendant 40 jours (Genèse 7,4), et la pluie tombe durant 40 jours et 40 nuits (7,12), les eaux grossirent et soulevèrent l’arche, qui fut élevée au-dessus de la terre. (7,17), au bout de quarante jours, Noé ouvrit la fenêtre qu’il avait faite à l’arche (8,6).
  • La vie de Moïse est divisée en 3 fois 40 (Act 7,23-36), Moïse a 40 ans lorsqu’il quitte l’Égypte, il reste 40 ans dans le pays de Madian. Il vivra encore 40 ans.
  • Le voyage du peuple hébreu à travers le désert dure 40 ans (Nb 14,33, Amos 5,25).
  • L’exploration de Canaan par les espions dure 40 jours (Nb 13,25).
  • Les juges Othniel, Débora et Gédéon procurent chacun au peuple d’Israël un repos de 40 ans (Juges 3,11 ; 5,31 ; 8,28).
  • Le peuple subit la domination des Philistins pendant 40 ans (Juges 13,1).
  • 40 ans, c’est la durée des règnes de David (1 Ch 29,27) et de Salomon (1 Rois 11,42).

 => Il exprime aussi le temps de la prière et de l’intercession

  • Moïse entra dans la nuée et monta sur la montagne, « 40 jours et 40 nuits » (Exode 24,18). Sur le mont Sinaï, Dieu lui fait le don de la Loi.
  • Après l’épisode du veau d’or, Moïse intercède et fait pénitence 40 jours pour que le Seigneur épargne la vie au peuple (Deut 9,25).
  • Élie marche 40 jours et 40 nuits jusqu’en Horeb (1 Rois19,8), jusqu’au mont Carmel pour entendre la voix de Dieu dans la brise légère, après avoir été nourri miraculeusement.

=> Il exprime à la fois le temps de l’épreuve et de la patience, de la sollicitude de Dieu

  • Le Dieu d’Israël élut nos pères et fit grandir ce peuple durant son exil en terre d’Égypte. Puis, en déployant la force de son bras, il les en fit sortir et, durant 40 ans environ, il les entoura de soins au désert (Ac 13,18).
  • Goliath se présente matin et soir pendant 40 jours (1 Sam 17,16).
  • Jonas laisse 40 jours à Ninive pour se repentir (Jonas 3,4).
  • Jésus jeûne 40 jours au désert (Mt 4,2) au lendemain de son baptême. Pendant 40 jours, nous dit l’Évangile, Jésus a prié et jeûné au désert avant que le diable ne vienne le soumettre à la tentation (Marc 1,13 et //). Ensuite, Jésus inaugure sa vie publique.

=> Il exprime le temps de la maturité et de l’enseignement

  • C’est le temps de la gestation : ne faut-il pas près de 40 semaines pour mener une grossesse à terme ?
  • D’après une tradition Juive nous arrivons à maturité à 40 ans !
  • Jésus apparaît à ses disciples pendant 40 jours après sa résurrection, il enseigne ses disciples pendant 40 jours jusqu’à son Ascension (Actes 1,3).

=> C’est aussi un chiffre de mesures

  • Quarante coudées (1 Rois 6,17 ; Ézéchiel 41,2 ; 46,22).
  • Quarante coups : la bastonnade israélite comportait un maximum de 40 coups (Deut 25,1-3), que le judaïsme limitait à 39 pour éviter qu’il ne fût dépassé (2 Cor 11,24).
Conclusion
Que conclure de cette énumération que nous aurions pu allonger ?
  • Quarante : temps d’épreuve, de dépouillement, de mise à nu.
  • Quarante : temps de l’apaisement, du constat de la fin de l’épreuve et du bilan, vanité des vanités…
  • Quarante : temps de l’accomplissement, de la maturité.
  • Temps où l’on se retourne pour estimer le chemin accompli et à accomplir :
    « Souviens-toi de tout le chemin que Yahvé ton Dieu t’a fait faire pendant quarante ans dans le désert, afin de t’humilier, de t’éprouver et de connaître le fond de ton cœur : allais-tu ou non garder ses commandements ? » (Deutéronome 8,2).
  • Temps pour laisser la place au Tout autre et à l’autre.
  • Temps pour se laisser modeler par Dieu comme l’argile dans les mains du potier :

La parole fut adressée à Jérémie de la part de l’Éternel, en ces mots : « Lève-toi, et descends dans la maison du potier ; là, je te ferai entendre mes paroles ». Je descendis dans la maison du potier, Et voici, il travaillait sur un tour. Le vase qu’il faisait ne réussit pas, comme il arrive à l’argile dans la main du potier ; il en refit un autre vase, tel qu’il trouva bon de le faire. Et la parole de l’Éternel me fut adressée, en ces mots : « Ne puis-je pas agir envers vous comme ce potier, maison d’Israël ? dit l’Éternel. Voici, comme l’argile est dans la main du potier, ainsi vous êtes dans ma main, maison d’Israël ! » (Jérémie 18,1-6)

Jeu de la confiance cliquer ici
Notes sur le désert dans la Bible cliquer ici

* Livre des Nombres à cause des multiples recensements et chiffres qui y figurent.
** Tsedaka : terme hébreu désignant la « justice » de sorte que le pauvre puisse conserver sa dignité.
*** Mitsva : « ordre, commandement » en particulier venant de Dieu ; mais la traduction la plus adéquate paraît être « prescription, précepte ». Ils sont donnés à Israël comme des moyens de progresser en sainteté.

Tiré de l’excellent livre Les lettres de la création, l’alphabet hébraïque de Catherine Chalier Collection : Les carnets spirituels, éditeur : Arfuyen, 2006

Crédit : Point KT




Jésus rencontre Jean-Baptiste

Avant de commencer son ministère, Jésus se rend au bord du Jourdain et demande le baptême à Jean-Baptiste. Voici quelques éléments d’explication du texte de Matthieu 3/1-17.

Texte : Matthieu 3/1-17

Qui est Jean-Baptiste ? 
D’après l’évangile de Luc, il est fils de Zacharie (un prêtre) et d’Elisabeth, cousine de Marie. Il prêche dans le désert à partir de 27 ou 28 après Jésus-Christ. Il vit de manière très ascétique, très dépouillée. Ses vêtements rappellent ceux d’Elie et le font apparaître comme un prophète. Son ministère aura beaucoup de succès auprès des foules (il fera même des disciples), mais sera très bref : Hérode Antipas le fait décapiter 2 ou 3 ans après que Jean ait commencé à enseigner.
Les rapports entre Jean et Jésus sont difficiles à préciser : en Matthieu 11/2, Jean se demande si Jésus est celui qui doit venir (le Messie) alors qu’au moment du baptême, il semble plus affirmatif.
Les Sadducéens
Ce sont les partisans de l’ordre établi, ils sont issus de l’aristocratie sacerdotale et collaborent volontiers avec les Romains. Ils ont la réputation d’être méprisant avec le peuple. Leur influence, qui concerne surtout le Temple et la liturgie, ne s’exerce guère au-delà du Temple. Pour eux, seule la Loi écrite est normative et ils la lisent de manière littérale et juridique. Ils refusent les croyances plus récentes comme la résurrection. Ils ne sont par contre pas complètement opposés à l’hellénisme : par fidélité à une pensée authentiquement biblique, à savoir le rayonnement universel de la religion juive et probablement aussi dans l’objectif politique de sauvegarder la nation juive, quitte à prendre quelques arrangements avec la Loi. Ils sont opposés à Jésus : ils semblent avoir été les principaux instigateurs de son arrestation et de sa mort.
Les Pharisiens
Ils constituent le parti majoritaire à l’époque de Jésus. Opposés à l’hellénisme, ce sont de farouches défenseurs de la Loi : ils veulent en pratiquer strictement toutes les prescriptions qu’ils multiplient et détaillent à l’aide des traditions orales auxquelles ils reconnaissent une valeur normative. Présents dans toute la Palestine, ils ont une grande influence sur le peuple, notamment à travers les synagogues. Ils sont nombreux parmi les docteurs de la Loi et les scribes qui aidaient les croyants à pratiquer la Loi dans la vie quotidienne. Ils croient à la résurrection des morts, au jugement dernier et attendent le Messie. Ils pensent que l’homme peut pratiquer la volonté de Dieu et veulent gagner à la foi juive des adeptes du monde entier. Leurs relations avec Jésus sont complexes : certains le suivent (Nicodème), mais d’autres s’opposeront à lui au nom de leur conception de Dieu et de la Loi, mais ils n’interviendront pas directement dans l’arrestation et la Passion. Jésus a critiqué sévèrement les excès des pharisiens (comme Jean-Baptiste) estimant que leur rigorisme dans l’application de la Loi, leur lecture au pied de la lettre, les amenait souvent à passer à côté de l’essentiel : l’immense bonté de Dieu.
Le baptême célébré par Jean-Baptiste
Jean-Baptiste appelle à la conversion, à la repentance, au changement de vie. Il baptise ceux qui viennent à lui. Ce baptême doit signifier leur décision de changer de vie et de renouer alliance avec Dieu. Contrairement à d’autres rites de purification pratiqués dans le judaïsme, il est unique.
Le baptême chrétien
Le baptême célébré dans les Eglises chrétiennes n’est pas un baptême de repentance ; il ne signifie pas que le croyant vient vers Dieu, mais l’inverse : dans le baptême, Dieu déclare son amour au baptisé, vient vers lui pour faire de lui son enfant et un membre de son Eglise. Attention : cela ne veut pas dire que Dieu n’aime pas ceux qui ne sont pas baptisés !
Pourquoi Jésus demande-t-il le baptême à Jean-Baptiste alors qu’il n’a pas besoin de se repentir, ni de se rapprocher de Dieu ?
Plusieurs raisons :
a. Jésus marque ainsi sa solidarité avec son peuple ;
b. Il se situe dans la même ligne que la prédication de Jean-Baptiste : rassembler le peuple d’Israël et le guider vers Dieu ;
En venant à la rencontre de Jean-Baptiste, il le reconnaît comme étant le précurseur du Messie, se révélant implicitement comme le Messie (ce que fait la voix explicitement).
Crédit : Claire de Lattre-Duchet (UEPAL) Point KT



Au désert du Sinaï : Dieu rencontre son peuple

Exode 19/1-24 ; 20/18-21

Le thème de l’Alliance au Sinaï a pris au cours des temps une importance démesurée par rapports aux autres moments des origines d’Israël : pour être valable, une Loi devait avoir été donnée à Moïse, au Sinaï. Mais nous n’avons, bien entendu, retenu que les faits les plus marquants du récit.  Le passage, tel que nous le lisons aujourd’hui, comporte de nombreuses incohérences qui sont autant de traces des multiples reprises de la tradition et de rédactions aux préoccupations différentes.

Sans démêler les différents fils de la tradition, il faut donc tenir compte de l’histoire mouvementée du texte.

On peut distinguer les éléments suivants :
1.    Arrivée au Sinaï : 19/1-2
2.    Dieu annonce son projet pour le peuple : 19/3-9
3.    Préparatifs de la rencontre : 19/10-15
4.    La manifestation de Dieu : 19/16-20
5.    La distance maintenue : 19/21-25 ; 20/18-21

I. Arrivée au Sinaï: 19/1-2

« Le troisième mois après leur sortie du pays d’Égypte » : la date est vague. Les anciens Hébreux comptaient en effet comme des temps entiers (mois, heure, jour, semaine, année) le temps au cours duquel une action avait commencé et celui au cours duquel elle s’achève. Ainsi, si la sortie d’Égypte est datée du 15ème jour du premier mois, l’arrivée au Sinaï se place entre le premier et le dernier jour du troisième mois.

Cette datation floue permettra de situer à la Pentecôte la fête du don de la Loi. Nous sommes alors dans un calendrier religieux qui s’est établi bien après les événements et n’a pas de valeur historique.

« Aujourd’hui même » indique que ce récit était lu lors d’une fête et confirme que la date donnée dans ce verset est celle d’un calendrier religieux.

« Arrivèrent au désert de Sinaï » : le Sinaï est, traditionnellement, situé au sud de la presqu’île qui sépare les golfes de Suez et d’Aqaba.

Mais :
–    cette identification n’apparaît qu’au IVe siècle après Jésus,
–    les itinéraires indiqués par le Pentateuque, comme Nb 33/1-49 par exemple, ne peuvent pas être correctement identifiés sur une carte ;
–    la montagne sainte est appelée tantôt « Sinaï » et tantôt « Horeb » (Ex 3/1). Existait-il deux montagnes différentes ? Le même massif avait-il deux noms?…
–    Ex 19/18 ne peut s’appliquer au Sinaï actuel qui ne présente aucune trace d’activité volcanique, mais convient pour les montagnes situées en Arabie, à l’est du Golfe d’Aqaba. On a parfois situé la montagne sainte dans cette région.

Il est actuellement impossible de trancher ces questions géographiques. Cela ne change peut-être rien au sens du texte, mais montre qu’il ne faut pas tracer avec trop d’assurance des traits sur la carte, pour indiquer par où les Hébreux sortis d’Égypte se sont rendus en Canaan.

L’idée que la divinité habite sur la montagne ou, du moins, s’y manifeste, n’est pas une notion propre à Israël. On la retrouve aussi bien chez les Grecs (mont Olympe) que dans la civilisation cananéenne d’Ugarit. Plus tard le Sinaï cédera la place au mont Sion, où est bâti le temple. Mais Elie encore se rend au Sinaï pour y rencontrer Dieu (1 R 19/1-18).
Il est possible que les tribus et les clans longtemps nomades se rendaient en pèlerinage à l’une ou l’autre montagne à certaines occasions, soit pour se rencontrer, soit séparément.

II. Dieu annonce son projet pour le peuple : 19/3-9

« Je vous ai portés sur des ailes d’aigles » : (voir Deut. 32/11). La formule exprime à la fois la sollicitude de Dieu pour ce peuple, et la puissance par laquelle il l’a mis hors d’atteinte, hors de portée des assauts ennemis.Une telle image est tempérée par des passages comme Exode 14/10-12; 16/32 etc., qui rappellent que le peuple ne se sentait pas aussi à l’abri que cela ! Pour parler ainsi il faut déjà être loin des faits eux-mêmes.

« Et vous ai fait arriver jusqu’à moi » : Dieu n’habite pas dans la montagne du Sinaï. L’affirmation première, c’est que Dieu a permis au peuple de s’approcher de lui. Il a créé une occasion de rencontre ; si, dans la suite du récit, la distance entre Dieu et le peuple est maintenue, si une limite minimum subsiste, c’est bien parce que la distance « normale » entre Dieu et les hommes est abolie au profit d’Israël.

« Ma part personnelle »: La TOB rend ainsi un mot hébreu, dont le sens premier est plutôt celui de « trésor » ou de « bien précieux » (Qohéleth 2,8 et 1Chr. 29/3). Mais il sert surtout à exprimer ce que le peuple représente aux yeux de Dieu : non pas tant la part personnelle – puisque les autres peuples lui appartiennent tout aussi bien mais le bien le plus précieux (Deut 7,6 ; 14/ 2 ; 26/18; Ps. 135/4 ; Malachie 3/17).
Il s’agit là d’une conception relativement tardive, qui tente d’accorder l’affirmation de l’universalité de YHWH et la foi d’Israël en son élection.

« Un royaume de prêtres », on peut comprendre :
–    qu’Israël est gouverné par des prêtres, ce qui peut correspondre à la réalité historique post-exilique.
–    avec le judaïsme, que le terme « prêtres » de cette expression signifie « princes ». Dieu est le roi, les Israélites des princes, les autres hommes les simples sujets.
–    que tous les membres du peuple d’Israël sont des prêtres, c’est-à-dire des médiateurs entre Dieu et les hommes de la terre. Israël doit faire connaître au monde la Thora, le chemin de YHWH, et inversement il sert Dieu pour le monde entier. La troisième expression confirme cette lecture.

« Une nation sainte » : cela signifie une nation « mise à part », séparée du monde et réservée au service exclusif de Dieu et qui, en tant que telle, ne peut pas prendre part à la vie du monde, marquée par la désobéissance et l’impureté.
Ainsi, même si aucune Loi n’est encore exprimée, le projet de Dieu envers le peuple mêle promesse et exigence. Devenir le peuple de Dieu comporte des avantages, sans doute aussi un certain privilège, mais il importe aussi de se montrer concrètement à la hauteur de cette dignité. Inversement, il est remarquable que le peuple n’ait pas à mériter, à gagner le choix de Dieu. Rien ne justifie ce choix sinon la libre décision de Dieu.

Le peuple par contre n’est pas « enrôlé de force ». Le projet de Dieu lui est exposé et il peut le refuser librement. Pour le critique littéraire, les versets 7-8 sont maladroitement raccrochés à ce qui précède. Mais ils sont par contre bien à leur place dans un schéma d’alliance : à l’énoncé du projet fondamental de Dieu, le peuple répond par un accord fondamental de principe.

Il faut observer que les expressions utilisées sont relativement récentes. La proclamation de l’appartenance à YHWH de toute la terre est une affirmation théologique qui semble bien n’être apparue en Israël qu’avec Jérémie et le deuxième Ésaïe, aux VIe et Ve siècles. Les formules « Royaume de prêtres » et « bien précieux de YHWH » ne sont appliquées à Israël que dans des textes exiliques ou postexiliques.

Mais ces versets tardifs marquent clairement le cadre de « l’Alliance » : Il ne peut être question d’un accord entre deux partenaires égaux. Toute l’initiative vient en effet de Dieu qui énonce son projet pour le peuple qu’il a choisi.

Cette réalité s’exprime déjà dans la forme littéraire des récits bibliques qui parlent d’alliance, que ce soit dans l’Exode ou dans le Deutéronome. On y retrouve en effet des éléments de la forme juridique des « Traités de vassalité » connus dans le Moyen Orient Ancien.
Comme leur nom l’indique, ces traités sont des accords qui lient entre eux un puissant et un faible. Le traité est en général octroyé et parfois imposé par le roi le plus puissant à l’état le plus faible, le premier s’engageant à protéger le second, à condition, bien sûr, que le second observe fidélité et obéissance envers le grand roi.

De tels traités suivaient le schéma suivant :
1.    préambule désignant les contractants
2.    exposé historique : ce que le grand roi a fait jusqu’ici pour le plus petit
3.    déclaration fondamentale du traité
4.     conditions particulières
5.    invocation de témoins (en général les dieux)
6.    bénédictions et malédictions promises selon que les clauses du traité seront observées ou non.

Ce schéma ne se retrouve pas tel quel dans l’AT. Le point 5 est en effet caduc, puisque l’un des contractants de l’Alliance est Dieu (mais en Josué 24/26-27 une pierre sert de témoin). Mais on retrouve la plupart des éléments de ce schéma aussi bien en Josué 24 qu’à travers le Deutéronome, et aussi en Exode 19 à 24.

Ex. 19/3-6 correspond en gros aux trois premiers éléments du traité de vassalité : au v. 3 le préambule désigne les contractants : YHWH et les fils d’Israël, le v. 4 fait le rappel historique et les vv. 5-6 exposent les données fondamentales de l’Alliance.

Au verset 10, on change de sujet. Il n’est plus question d’alliance, mais de la rencontre. Il est probable que nous ayons affaire à un récit plus ancien, indépendant de ce qui précède.III. Préparatifs de la rencontre : 19/10-15

Deux sujets assez différents sont mêlés :

–    la limite dangereuse vv. 12-13; Moïse n’en parle pas aux vv. 14-15. Nous la retrouverons aux vv. 20-25.
–    une purification rituelle aux vv. 10-11 et 14-15. Il s’agit ici de l’observance de pratiques rituelles de purification qui comprenaient des bains le texte mentionne expressément le lavage des manteaux – et de précautions et abstinences diverses, dont le but était de ne pas contracter d’impureté rituelle, laquelle aurait rendu impossible la rencontre avec Dieu.

Aux prescriptions des vv. 10-15, le v.15 ajoute l’abstinence sexuelle, sans doute sous l’influence de Lév 15. Mais la sanctification comportait aussi bien d’autres préoccupations qui portaient sur l’alimentation (Lév. 11/1-23; Deut 14/3-20), des maladies de peau (Lév. 13-14), le contact avec les morts (Lév. 21/1-4; Nbr 19/1-22) ou les cadavres d’animaux (Lév. 11/24-40).

Ces préoccupations nous sont en grande partie devenues étrangères. Les commentaires des rabbins, qui discutaient minutieusement de l’application de ces règles, montrent qu’elles ont été progressivement amplifiées. (Au temps de Jésus, on discutait par exemple pour savoir si une personne, dont le vêtement a, par inadvertance, touché la face extérieure d’une maison où quelqu’un était mort, était pur ou impur, et à partir de quelle surface de contact… ).

Il est donc peu probable que les Israélites au désert aient observé les prescriptions rituelles détaillées que nous trouvons actuellement dans le Pentateuque. Mais il est certain que la distinction du pur et de l’impur est une donnée fondamentale de la pensée religieuse de l’Antiquité, dans pratiquement toutes les civilisations, même si certaines considèrent comme pur ce qui est impur pour d’autres.
Il ne s’agit pas d’un simple dégoût, ni de règles que nous appellerions d’hygiène, mais d’une préoccupation fondamentale d’ordre : le monde divin, espace de sainteté, ne peut rencontrer le monde de l’impur, de la maladie, du mal, sans que la vie de l’homme ne soit menacée.
Or, comme il vit « entre les deux », l’homme doit veiller d’une part à éviter autant que possible ce qui le souille, et dans tous les cas à ne pas approcher d’impureté de la sphère divine.

IV. La manifestation de Dieu : 19/16-20

La manifestation de YHWH se présente sous les aspects différents de l’orage et de l’activité volcanique.

L’image de l’orage se retrouve en Job 38/1; Ps. 50/3; Es. 30/27; Ez. 1/4 et 1 Rois 19/38-45.

La représentation volcanique est tout aussi présente dans l’AT : on la retrouve au Ps.. 104/32; en Es. 614; Hab. 3/6. Les colonnes de feu et de fumée qui guident le peuple à la sortie d’Égypte (Ex. 13/21 et Ps.. 18/14) y font aussi penser. On a imaginé que les fumées dégagées par un volcan et le feu des éruptions et de la lave visibles de loin, auraient conduit le peuple au Sinaï.

Mais il est tout aussi probable que le motif des colonnes de fumée ne soit qu’un développement littéraire de la représentation « volcanique » de YHWH. (Notes bibliques page 53)

Souvent les manifestations de Dieu de l’AT mêlent étroitement les deux thèmes : Psaumes 11/6;18/8-16; 29; 77/18-19; 97/25 ; 140/11; Juges 5/4. En fait, il s’agit de la représentation traditionnelle des manifestations du Dieu d’Israël. La fréquence de ces images dans les Psaumes indique que cette représentation était courante dans les milieux cultuels du temple de Jérusalem. Le Dieu qu’Israël rencontre au temple est celui qui maîtrise des forces colossales et terrifiantes.

Il est merveilleusement rassurant de savoir qu’il protège son peuple (voir Ps. 18).

Mais il convient de ne s’approcher de lui qu’avec un luxe de précautions.
C’est la tradition du culte de Jérusalem qui influence la représentation de la rencontre du Sinaï. La mention du cor aux vv. 16 et 19 confirme ce fait. Le cor est une corne de bélier transformée en instrument de musique. Il sert à donner l’alarme (Jér. 4/19,21 ; 6/1; 42/14; Am. 212; Job 31/24), à marquer le début des fêtes cultuelles (Lévitique 25/ 9) et les rites d’intronisation (II Sam. 15/10 et 1Rois 1/41), et il est joué par les prêtres dans un épisode de guerre sainte (Josué 6).

Cela ne veut pas dire qu’il ne s’est rien passé au Sinaï. Mais il est très difficile de savoir ce qui s’est passé. Une des fonctions du culte au temple était de permettre à chaque Israélite de se sentir personnellement en présence de ce Dieu qui parle du milieu du feu et de l’orage, à revivre personnellement la rencontre du Sinaï. Par ricochet, la liturgie a marqué de son empreinte le récit de l’Exode.

Par ailleurs, les voisins d’Israël connaissaient des dieux de l’orage.

Bâal est un dieu de la nature et particulièrement de l’orage (représentation dans François Castel, « Histoire d’Israël et de Juda », DAB – le Centurion, 1983, page 17).

On connait aussi en Mésopotamie du nord le dieu de l’orage Hadad (représentation ci-dessous).Il semble donc qu’Israël ait emprunté aux peuples et aux religions qui l’entouraient non pas leurs dieux, mais les représentations de la divinité.Il s’agit d’une démarche polémique, comme le montre 1Rois 19 : le maître de la nature, celui qui manie la foudre et donne la pluie,ce n’est pas Bâal, mais YHWH, le Dieu d’Israël.

A l’inverse, une telle démarche signifie que l’image du dieu de l’orage pouvait être une représentation convenable de la manifestation puissante et redoutable de YHWH.

Ce dernier point de vue n’a pas toujours été partagé par tous, comme nous le verrons à propos d’Exode 34 (voir aussi Il Rois 19/11-13).

Père Ishkur,
Seigneur qui chevauches la tempête,
Tel est ton nom, Dieu qui montes très haut !
Père Ishkur, qui chevauches Orkan,
Tel est ton nom, Dieu qui montes très haut !
Père Ishkur, qui chevauches le lion puissant
Tel est ton nom, Dieu qui montes très haut !
Ton nom recouvre la terre comme un vêtement
Ton tonnerre fait trembler la grande montagne
Père Enlil, lorsque tu rugis
La grande mère Ninlil tremble !

« Hymne au dieu de l’orage », publié par H. Gressmann,
Altorientalische Texte zum alten Testament, 2, 1926
(traduit à partir de l’allemand selon citation de H. J. Kraus,
Psalmen BK XVI 1 4, 1972 p. 145)

Même si Dieu descend pour se manifester au peuple et devient ainsi très proche, la distance subsiste qui sépare l’homme de Dieu. Malgré leurs divergences, trois groupes de versets expriment de manière très ferme la nécessité de cette distance : 19/12-13 ; 19/21-25 et 20/18-21.V. La distance maintenue : 19/21-25 et 20/18-21

Les divergences portent sur les points suivants :

a. Qui demande la distance ?
–    Dieu selon 19/12-13 et 19/21-25
–    le peuple selon 20/18-21, qui est proche de Deutéronome (5/23-31).

b. Qui peut monter ?
–    pour 19/12-13, Moïse seul monte. Les hommes et les animaux sont interdits.
–    en 19/20-24, Aaron monte avec Moïse. Les prêtres sont exclus (bien qu’ils n’existent pas avant Ex. 28-29 !). Les animaux ne sont pas mentionnés.
–    la fin du verset 13 dit : Quand la trompe retentira, quelques uns monteront sur la montagne.
La TOB atténue la difficulté. L’hébreu dit plutôt « eux monteront » sans que rien ne permette de préciser qui sont ces « eux ». On a donc supposé que cette fin du verset 13 est un fragment de texte qui relève de la tradition selon laquelle 70 Anciens sont montés avec Moïse (Ex 24/1-12). En effet une tradition religieuse qui pouvait dire que Dieu est venu manger avec Abraham (Gen. 18) ne devait pas trouver impossible la rencontre de YHWH avec son peuple, au moins au travers de ses représentants, les Anciens. Cette tradition sans doute ancienne a en grande partie été écrasée par le thème du Dieu inaccessible.
On peut voir dans ce thème dominant l’influence des conceptions sacerdotales. C’est évident pour la mention d’Aaron. Il est en effet l’ancêtre réel ou supposé des Grands-Prêtres qui entreront seuls dans le Saint des Saints du temple de Jérusalem.

c. Comment est garanti le respect de l’interdiction ?
– En 21, le dépassement des limites provoque lui-même la mort. Le lieu sacré est dangereux en lui-même pour l’homme pécheur et impur. Plus qu’une interdiction, la limite posée est une protection pour le peuple.
– Mais en 13, celui qui se rend coupable de franchir la limite sacrée sera lapidé ou tué avec des flèches.
La conception « magique » n’est pas abandonnée : celui qui a touché le domaine sacré devient lui-même « sacré » et contaminerait de sa propre faute celui qui le toucherait.

Mais la mort est ici une exécution dont se chargeraient des hommes. On ne peut pas ne pas faire le rapprochement avec la sanction dont étaient menacés les non Juifs qui se seraient aventurés au-delà des limites permises dans le temple de Jérusalem.
Par-delà ces divergences, il reste que les récits de l’Exode sont marqués par la même conception d’une distance irréductible entre Dieu et le peuple. (Exode … exodes page 56)

En aucun cas, le peuple ne peut se précipiter vers Dieu, qui reste hors d’atteinte des hommes, qui reste caché à leurs yeux par les nuées ou les fumées et qu’ils peuvent au mieux entendre.

Au-delà des compréhensions primitives et quasi magiques, l’affirmation de cette distance est essentielle dans la théologie de l’AT. Il s’agit de dire que, quelle que soit sa proximité envers le peuple élu, Dieu reste Dieu, il ne peut être ainsi, appréhendé, contrôlé par l’homme en aucune manière. Et même s’il abolit toute distance, comme pour Moïse ou Élie, il ne peut s’agir que d’une libre décision de sa part, libre décision qui ne le livre pas aux hommes.

Narration Exode 19/1-2 ; 20/18-21; 24/1-12 : cliquer ici

Crédit : Point KT




Une paraphrase du Décalogue

Exode 20: 1-17 d’après A. Maillot. Prendre le Décalogue pour une loi écrasante et en-fermante, c’est le détourner de son intention fondamentale ! Au contraire le Décalogue annonce notre délivrance, notre libération du poids de l’esclavage que représente l’obligation d’être en ordre avec Dieu par nos propres forces : le Décalogue m’ouvre un avenir possible et des relations justes et bonnes entre Dieu et les hommes et des hommes entre eux. Ainsi, « chaque jour deviendra un jour que Dieu me donne pour être heureux dans ma peau, pour coexister en paix avec moi-même, réconcilié avec moi-même. » (A. Maillot).

Je suis le Seigneur, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude.

Gloire et louange à Dieu qui ouvrit les portes de la liberté à son peuple et lui donne, par le Décalogue, le moyen de vivre cette liberté.
Gloire et louange soient à Dieu qui nous donne en Jésus-Christ la vraie liberté.

1.    Tu n’auras pas d’autres dieux devant ma face

Avec moi, le Seigneur, il n’y a plus rien qui asservisse les hommes. Il n’y a plus de religions qui endorment ou qui asservissent, plus d’idéologies, plus d’idoles, plus de faux dieux (argent, matérialisme, travail, sexe, etc.). Je suis celui qui t’aime, tu es à moi.

2.    Tu ne te feras pas d’images taillées

 Je suis tout autre que ce que tu peux imaginer. Tu ne peux ni me représenter, ni me définir. L’homme ne disposera pas de moi. Je veux te délivrer de tous tes faux dieux.

3.    Tu ne prendras pas le nom du Seigneur en vain

Ma volonté : délivrer l’homme. Mon projet : la vie des hommes et le bien des hommes. L’homme utilisera mon nom pour bénir, pour guérir, pour délivrer, pour faire vivre. Jamais pour opprimer, tromper ou faire mourir. Je ne peux tenir pour innocent celui qui aura pris mon nom pour faire du mal.

4.    Souviens-toi du jour du repos pour le sanctifier

J’ai voulu que l’homme participe aussi à la création et continue de travailler dans le monde que je lui ai confié. Comme moi, il se reposera le septième jour et le sanctifiera. C’est un jour mis à part pour me rendre le culte que j’attends, qui préparera la semaine qui vient. Ainsi l’homme se souviendra que Dieu veut donner son sens à tout travail et y trouvera de la joie.

 

Je suis le Seigneur, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude, où tu étais esclave (Exode 20:2)

 Exode 20 : 3-17

 

5.    Honore ton père et ta mère

Écoute avec sérieux et considère avec attention les paroles et les actes de ceux qui t’ont précédé. Soutiens-les quand ils vieillissent, aide-les à garder leur place dans ce monde. Et plus tard, à ton tour, tu seras encore heureux.

6.    Tu ne commettras pas de meurtre

Dieu t’a donné la vie, à toi et aux autres. Tu n’en disposeras pas à ton gré ou selon ton caprice. Respecte la vie !

7.    Tu ne commettras pas d’adultère

Dieu est fidélité. II te reste fidèle sans jamais revenir sur sa promesse. Sois donc fidèle à celle ou à celui avec qui tu as promis de vivre dans la vérité. Dieu est amour ; il nous a donné Jésus-Christ. Que ton amour pour ton mari, pour ta femme soit un signe de cet amour.

8.    Tu ne déroberas pas

Dieu veut que chacun possède assez pour vivre. Tu respecteras l’autre dans ce qu’il a pour le respecter dans ce qu’il est.

9.    Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain

Dieu veut qu’une vraie justice existe entre les hommes. Tu prendras garde à ce que tu diras pour que la justice soit bien rendue, et pour ne pas enfermer tes frères dans tes jugements.

10.    Tu ne convoiteras rien qui soit à ton prochain

Ce que tu as t’a été confié par Dieu. Découvres-en les charmes et la beauté. Ne louche pas sans cesse vers ce que tu n’as pas. Ne te rends pas malade par l’envie ou la convoitise. Apprends à aimer ce que tu as.

Conclusion

« Le Décalogue n’est pas d’abord une Loi, mais une charte, il n’est pas d’abord le moyen d’obtenir une délivrance et une faveur divines, il en est la conséquence » (A. Maillot).

Les Juifs, et ensuite les chrétiens, n’ont pas assimilé ce fondement qu’est la « délivrance en premier » et ont fait du Décalogue un carcan ; car les hommes ont de la peine à accepter la « grâce en premier », ils préfèrent avoir des règles à suivre pour obtenir le salut : il suffit de les suivre et l’on est en ordre avec Dieu
Prendre le Décalogue pour une loi écrasante et en-fermante, c’est le détourner de son intention fondamentale : ouvrir un avenir possible et des relations justes et bonnes entre Dieu et les hommes et des hommes entre eux.
Vouloir essayer de suivre le Décalogue, d’y obéir parfaitement ne va provoquer que désespoir et frustration : c’est ce que dit Paul « misérable que je suis ! » (Rom 7 : 24) ; objectif impossible à atteindre !
Alors qu’au contraire le Décalogue annonce notre délivrance, notre libération du poids de l’esclavage que représente l’obligation d’être en ordre avec Dieu par nos propres forces : le Décalogue m’ouvre un avenir « où chaque jour deviendra un jour que Dieu me donne pour être heureux dans ma peau, pour coexister en paix avec moi-même, réconcilié avec moi-même. » (A. Maillot).

Enfin, il est capital de se souvenir que le Décalogue permet et promet des « relations » nouvelles ; il ne s’intéresse pas à ce que nous sentons ou pensons, mais à la manière dont nous vivons avec Dieu et avec les autres. Ce qui a pour conséquence que nous avons à nous concentrer sur Dieu et sur notre prochain, au lieu de nous intéresser à nous-mêmes.

Regarder à ce qui se passe dans notre tête, notre cœur, notre âme ou notre conscience, c’est une fascination malsaine qui ne fait que nous rendre malheureux. Alors qu’une bonne compréhension du Décalogue attire notre attention sur ce qui nous libère de nous-mêmes notre relation avec Dieu et avec notre prochain. « Nous devons regarder au Seigneur Jésus-Christ, bien plus qu’à notre misère ; à la promesse de Dieu, plus qu’à nos reniements. Vers Canaan plus que vers l’Égypte »

Texte tiré du document « Dix lois qui libèrent » Cf. « Le chemin de la vie avec Dieu et avec les autres »  cliquer ici 




Le désert dans la Bible

Le désert est, paradoxalement, un des concepts géographiques les plus fertiles des Écritures !
Nous allons en repérer les éléments les plus importants :

  • C’est là que le peuple de Dieu pouvait se recueillir et se réformer
  • C’est dans le désert qu’il faut choisir si l’on fera confiance à Dieu
  • C’est le lieu par excellence de la tentation
  • C’est l’image du monde qui attend que Dieu fasse de lui un jardin

D’une façon générale, on peut dire que le terme de « désert » rappelle immédiatement à l’Israélite, par association d’idées, l’Exode hors d’Égypte, les quarante ans passés dans le désert (Dt. 29, 5). Pour les prophètes, ce fut le temps de l’histoire biblique le plus plein et le plus profond (cf. Os. 2, 14-16 ; 13, 5 et suivants), et ce n’est pas par hasard que, pour préparer le peuple à la venue eschatologique du Seigneur, ce soit précisément dans le désert que Jean-Baptiste ait situé son activité (cf. Mat. 3, 1-3 et // ; 11, 7 et //) : c’est là que le peuple de Dieu (en raison aussi du baptême, parallèle au passage de la mer Rouge) pouvait se recueillir et se réformer.

C’est là que le peuple de Dieu pouvait se recueillir et se réformer

C’est dans le désert qu’il faut choisir si l’on fera confiance à Dieu
Le désert, terre affreuse (Dt. 1, 19), désolée (Ez. 6, 14) et meurtrière (Jér. 2, 6) où précisément l’homme, par lui-même, ne peut y vivre, devient terre d’épreuve pour la foi : c’est dans le désert qu’il faut choisir si l’on fera confiance à Dieu (qui a prouvé si souvent sa force) ou si, irrité et impatient de ne dépendre que de sa grâce, on veut retourner « en Égypte ». On comprend donc que l’A.T. comme le N.T. aient pensé que l’histoire des quarante ans passés dans le désert par Israël, conduit, nourri, désaltéré et protégé par Dieu, « est arrivée pour nous servir d’exemple » (I Cor. 10, 6). Comme la passion et la résurrection de Jésus-Christ sont, pour l’Église, la référence maîtresse de sa foi et de sa vie, de même l’Exode est, pour Israël (et, au travers de son accomplissement en Christ, pour l’Église) la référence maîtresse de sa foi et de sa vie.

Le désert, lieu par excellence de la tentation
Mais parce que le désert est, par excellence, l’endroit où la foi s’éprouve, c’est aussi le lieu de la tentation, le lieu où, en quelque sorte, la contestation entre Dieu et le diable concernant l’avenir de l’homme peut s’exercer dans un dépouillement stylisé, sur une arène franche de toute immixtion étrangère au débat essentiel (même si, dans le désert, on peut tout à coup être transporté au cœur même de la religion : sur le faîte du temple de Jérusalem, ou face à toute la grandeur de la culture humaine : sur une haute montagne d’où le regard embrasse le monde, Mat. 4, 5 ss et parallèles). C’est donc « pour être tenté par le diable » que Jésus est mené par l’Esprit au désert (Mat. 4, 1 et parallèles). Le désert est, en quelque sorte, le « monde » à l’état pur, et c’est pourquoi on le considérait comme le repaire des démons (Mat. 12, 43 ; Luc 8, 29 ; 11, 24) : si Dieu y mène son peuple, son Fils et, plus tard, des anachorètes et des ermites (de eremos = désert), ce n’est pas pour leur faire fuir le monde, mais au contraire pour qu’ils en atteignent le cœur et manifestent là, à l’endroit où c’est le plus dur, sa victoire et ses droits. On peut d’ailleurs supposer que si Jésus, ordinairement après avoir accompli un miracle, se retire dans le désert (Mc. 1, 35 ; Luc 4, 42 ; 5, 16), ce n’est pas seulement pour se mettre à l’abri (cf. Mat. 14, 12 s et parallèles ; Mc. 1, 44 ; Jn. 11, 53 s), mais aussi pour se rendre là où il doit donner toute gloire à Dieu.

Le désert à l’image du monde attend que Dieu fasse de lui un jardin
Toutefois le désert n’est pas seulement un lieu de tentation et donc d’épreuve pour la foi : c’est aussi une terre d’attente et de pèlerinage, l’endroit qui mène des gages du salut au repos dans le salut : c’est l’endroit sur lequel débouche, pour Israël, le passage de la mer Rouge, et, pour Jésus, son baptême (Mc. 1, 9-13 et parallèles), l’endroit où le salut a déjà donné des gages de sa réalité, mais où il n’a pas encore été manifesté dans sa plénitude. Pour l’Église (cf. I Cor. 10, 1-13), le désert devient donc l’image de la situation dans laquelle elle se trouve depuis la Pentecôte : déjà le salut est là, déjà le baptême a fait participer à la mort et à la résurrection du Christ, déjà la cène permet de goûter au don céleste et aux puissances du monde à venir (Hé. 6, 4 s), mais le royaume dans sa plénitude, et la terre promise, ne sont pas encore là ! Le désert devient ainsi l’image du temps actuel dans lequel l’Église se trouve, de la situation dans laquelle elle doit croire, aimer et espérer. C’est le thème de l’Épître aux Hébreux.
Enfin, le désert est une image du monde, en ce sens qu’il attend de n’être plus le désert, d’être délivré de ce qui le rend redoutable, comme le monde attend, d’une ardente attente, le baptême cosmique du jour dernier où il sera transformé en un monde nouveau (2 Pi. 3, 13 ; cf. Rom. 8, 18-23) : le désert attend que Dieu fasse de lui un jardin (Ps. 107, 35 ; Es. 32, 15 ; 35, 1-7 ; 41, 18 s ; 43, 19 s ; 51, 3).

Crédit : Point KT




Survivre au désert

L’errance de quarante ans dans le désert de tout un peuple en marche est sans doute impressionnante dans un film. Elle relève de l’imaginaire, dès qu’on a vu le désert. En revanche, les tribus d’Israël ont été nomades avant de s’installer. La vie au désert est la réalité de leurs ancêtres.
Et là encore, il y a des événements « insignifiants » pour l’Histoire de l’humanité, qui sont pour ceux qui les vivent des signes de l’attention de Dieu : une source trouvée au bon moment, un vol de cailles épuisées qui s’abat près d’un campement et le produit bizarre coulant sur certains épineux du désert. Quand ils vous sauvent la vie, ce sont de vrais miracles de l’amour de Dieu. Lire Exode 16.

Comme d’autres passages de l’Exode, ce chapitre est composé de plusieurs éléments :
  • un récit concernant la manne vv. 4-5 ; 12b ; 14-36. Ce récit, qui semble l’objet de l’intérêt principal des rédacteurs est lui-même surchargé de rajouts :

+ vv. 16-18 : L’égalité miraculeuse
+ vv. 22-30 : Le respect du sabbat
+ vv. 32-34 : La conservation de la manne
+ v. 35 : La durée du miracle
+ v. 36 : Une explication de mesure

  • un récit concernant les cailles 8a ; 11-13
  • des fragments concernant la gloire de YHWH vv. 6-7 ; 9-10
  • le thème des murmures contre Moïse vv. 2-3 ; 7b ; 8b.

Comme pour les récits des plaies, la manne et les cailles correspondent à des réalités reconnues du désert du Sinaï :
– Les cailles sont des oiseaux migrateurs. En automne, les vols de cailles, épuisées d’avoir franchi la Méditerranée, s’abattent sur la côte nord-ouest du Sinaï, entre Gaza et l’Égypte.
– La manne est le résultat de l’association entre une plante, le tamaris, et deux insectes, le Trebutina Mannipara et le Najacoccus Serpentinus. Ces insectes laissent au matin leur sécrétion sur la plante dont ils se nourrissent, et c’est elle qui constitue la manne. Celle-ci ne se conserve guère et disparaît avec la chaleur du jour. Le produit n’a pas beaucoup de goût et il n’attire pas les gourmets, mais il est précieux pour celui qui n’a rien mangé depuis quelques jours.

La région où la manne peut être récoltée, en mai-juin, est strictement limitée au centre de la presqu’île du Sinaï : les cailles et la manne ne se rencontrent jamais ensemble, ni dans le temps, ni géographiquement.

Nous sommes donc en face du même processus que pour les plaies : de réalités bien connues des nomades du désert, mais qui ont pu sauver la vie à des groupes de fuyards habitués au pays de culture qu’est l’Égypte, la tradition d’Israël en a peu à peu fait un miracle grandiose et permanent, qui se pliait même aux exigences du respect du sabbat !

Il n’en reste pas moins que ce processus lui-même atteste la foi d’un peuple : Dieu veille soigneusement et fidèlement sur les siens, il va jusqu’au bout de ce qu’il a entrepris en leur faveur.

Les fragments concernant la manifestation de la gloire de YHWH ont été intégrés au récit des cailles par le verset 8. Dans ce cadre, ils signifient que la providence de Dieu agissant pour son peuple est une manifestation de sa gloire.

Mais comme l’indique aussi bien Ex. 33/18-22 et, ici, le verset 10, la manifestation de la gloire de Dieu est un phénomène très particulier de la présence divine. Ce qui est annoncé ici est beaucoup plus de l’ordre de la rencontre au Sinaï que de la fourniture de nourriture.

Le thème des murmures du peuple revient comme un refrain dans divers passages du Pentateuque : Exode 2/14 ; 4/1 ; 5/20-21 ; 14/11-12 ; 17/3 ; Nombres 11/4-6 ; 14/2-3 ; 16/2-3 ; 17/6-7 ; 20/3-5.

Ce thème est en contradiction avec une autre tradition d’Israël, pour laquelle le désert a été le temps idéal de la fidélité : Osée 2/16-18 ; 9/10 ; 12/10 ; 13/5-6 ; Jérémie 2/2-3 ; Deutéronome 32/10-12 ; 2/7 ; 8/2-5.

On a donc pu avoir une vision idyllique du temps du désert, précisément quand on faisait de l’entrée en Canaan et de l’adaptation à la vie en terre de culture la source des infidélités d’Israël.

Mais des textes plus récents (Ezéchiel 20-13 ; Psaumes 78/40 ; 95/10) font remonter au désert les premières révoltes du peuple contre Dieu (C’est aussi le cas d’Exode 34).

Ces textes sont marqués par l’Exil. Ils comportent une recherche de responsabilité et une confession des péchés : dès le départ, le ver était dans le fruit, la révolte, le refus de faire confiance à Dieu au cœur-même de ceux qui avaient vécu ses plus grandes délivrances.

Curieusement, ce thème « récent » ne manque pas de vraisemblance et on peut lire Exode 16 et le thème des murmures comme l’expression de la difficulté qu’il y a à vivre la liberté.

L’esclavage en Égypte pouvait avoir quelque chose de rassurant. Sinon, pourquoi allait-on si souvent s’y réfugier ? La liberté est aussi un risque douloureux, une affaire de vie et de mort. Elle est comme impossible à vivre sans la confiance assurée que Dieu vient en aide et soutient son peuple.

 Narration « Quand Dieu nourrit son peuple »

Crédit : Nicole Vernet, EPUdF, Point KT




La montagne dans l’Ancien Testament

Si l’on en croit la Bible, la montagne est d’abord signe de la solidité de la création. Au caractère fragile et éphémère de la vie humaine s’oppose l’immuabilité des montagnes, qui renvoient à un Dieu qui est depuis l’aube des temps et pour l’éternité. 

  • Tout d’abord la montagne est symbole de solidité
Si l’on en croit la Bible, la montagne est d’abord signe de la solidité de la création. Au caractère fragile et éphémère de la vie humaine s’oppose l’immuabilité des montagnes, qui renvoient à un Dieu qui est depuis l’aube des temps et pour l’éternité. Et même s’il arrive que, malgré leur stabilité, les montagnes soient ébranlées, bousculées, c’est pour signifier que Dieu fait irruption dans l’histoire humaine. Ainsi le psaume 104, au verset 3 : « il touche les montagnes, elles fument. »
  • La montagne est lieu de révélation

Car la montagne est avant tout lieu de la révélation divine. C’est là que demeure Dieu, qu’il se manifeste et vient rencontrer sa créature.
Dans l’Ancien Testament, la montagne est le théâtre d’événements centraux. C’est au sommet du mont Ararat que Noé bâtit le premier autel pour sceller l’alliance entre Dieu et l’humanité.
Les montagnes et les collines qui surplombent Rephidim voient s’accomplir la promesse de Dieu ; et les hauteurs de Baal témoignent du triomphe de Dieu sur ses ennemis.
C’est sur le mont Morija qu’Abraham fait l’expérience que « Dieu pourvoit » en substituant un bélier à son fils Isaac, pour signifier que plus jamais il n’y aura d’humain sacrifié pour son bon plaisir. La montagne permet de découvrir un Dieu qui se lie à l’homme.

  • La montagne est également un lieu de refuge face au courroux divin
Les anges pressent ainsi Lot de fuir vers la montagne afin de ne pas périr lors de la destruction de Sodome.

Dans les récits de l’Exode, la montagne tient une place prépondérante. « L’Éternel descendit sur la montagne du Sinaï, sur le sommet de la montagne ; l’Éternel appela Moïse sur le sommet de la montagne. Et Moïse monta. »
Moïse y monte seul à la demande du Seigneur. Tout un univers symbolique se déploie : le tonnerre terrifiant, la montagne fumante, le nuage noir, autant d’images pour indiquer la force, la grandeur d’un dieu qu’on ne peut atteindre par ses propres moyens.
Par contre, sur cette montagne, ce Dieu inaccessible veut se révéler. Il fait de Moïse à la fois son confident et son intermédiaire avec le peuple. C’est lui qui prend l’initiative du dialogue avec Moïse, dialogue qui aboutit au don de la loi exprimée dans le code de l’Alliance.
La manifestation de Dieu provoque crainte et tremblement dans le peuple, mais Moïse rassure. Nous retrouverons plus tard dans l’Évangile, à la transfiguration, cette expression de crainte et de voix qui rassure, autre signe, autre marqueur, de la présence mystérieuse de Dieu.
À sa descente de la montagne, Moïse constate que, déjà, le peuple s’est détourné de Dieu. C’est le fameux épisode du veau d’or. En signe de colère, il brise les tables de la loi, mais également il se fait intercesseur du peuple auprès de Dieu ; il remonte sur la montagne pour réécrire la Loi sur de nouvelles tables, c’est-à-dire pour renouveler l’alliance.
L’image de Dieu que nous tirons de ces récits est celle d’un dieu majestueux, qui maintient ses distances entre l’homme et lui. Cette image va se transformer avec l’épisode d’Élie au mont Horeb.

 Le mont Horeb

  • La montagne, lieu de la rencontre du divin
Élie au Mont Horeb (1 Rois 19, 1 à 18)
Situons d’abord cette montée d’Élie à l’Horeb, autre nom du Sinaï. Élie vient de se confronter aux prêtres du dieu Baal, s’est moqué d’eux et a fini par les massacrer. Élie apparait sûr de lui, sûr de sa force appuyée sur Dieu. Puis il a dû affronter les foudres de la reine Jézabel, cette femme païenne qui entraine son mari le roi Achab sur le mauvais chemin. Élie se sent menacé et fuit au désert. Ce n’est plus le prophète triomphant. Il appelle la mort, mais l’ange de Dieu vient le réconforter et le voilà parti vers la montagne.
Accompagnée d’images symboliques fortes visant à montrer la toute-puissance du Créateur – tonnerre, éclairs, épaisse nuée et fumée la recouvrant – la montagne est donc le lieu que choisit Dieu pour se révéler à son peuple par l’intermédiaire d’un prophète élu. Si elle est parfois nommée – montagne de Seir, de Galaad, du Sinaï ou encore d’Hermon – c’est moins le lieu particulier que le motif même de la montagne en tant que lieu de manifestation du divin qui importe ici et qui tend à véhiculer l’image d’un dieu majestueux et inaccessible au commun des mortels. Nous avons en tête la manifestation terrifiante de Dieu à Moïse sur le Sinaï, ici, nous voilà déroutés. Le Dieu qui veut se manifester à Élie ne le fait pas dans le vent de tempête, le tremblement de terre ou le feu. Voilà que survient le « bruissement d’un souffle ténu ». À ce moment Élie pressent la présence mystérieuse de Dieu et prend une attitude de profonde vénération. Son zèle pour Dieu reste le même, mais son attitude va être différente, comme si sa rencontre avec Dieu l’avait rendu plus humble. Le Seigneur l’envoie en mission. Bientôt, il va de nouveau affronter Achab et Jézabel, et dans l’épisode de la vigne de Naboth, son zèle pour Dieu fera de lui le défenseur des petits et des faibles.

La montagne est aussi présente à de nombreuses reprises dans le livre des Psaumes, où elle incarne le lieu de la rencontre du divin : « Envoie ta lumière et ta fidélité ! Qu’elles me guident, qu’elles me conduisent à ta montagne sainte et à tes demeures. » (Psaume 43 ,3)

  • Les montagnes, enfin, sont les témoins de la venue du messie et elles éclatent de joie pour célébrer le salut de Dieu

Cependant Dieu n’est pas lié à une montagne particulière. Il accompagne son peuple dans sa marche. Aussi y a-t-il, dans les psaumes, chez Ésaïe et Zacharie, déplacement de la présence divine au mont Sion, endroit central pour la vie et le culte. Souvenons-nous des cantiques des montées, Psaumes 121 à 134, ou de la fin du livre Ézéchiel. En Sion, Dieu fait sa demeure et manifeste son amour (fin du Cantique des cantiques). Vers Sion tendent les pas, les prières et les chants d’un peuple qui renouvelle sa fidélité à l’alliance.

Crédit : – Point KT